Véritable colosse aux pieds d’argile, l’Occident a récemment été détrôné en matière de puissance économique, politique, militaire et sociale.
Premier symptôme d’un Occident malade: le G7 ne dicte plus à lui seul l’économie mondiale. Ce sont de nouveaux joueurs, tels que le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine, mieux connus sous l’alliance BRICS, qui contrôlent près de 35 % du PIB mondial comparativement à 30 % pour le G7. Mieux vaut quitter le Titanic avant qu’il coule, se disent probablement plusieurs pays choisissant les BRICS comme partenaires commerciaux plutôt que le G7.
Le déclin de l’Occident se reflète aussi dans la perte de son pouvoir d’influence. Auparavant, le modèle démocratique libéral s’imposait comme une nécessité, un pas vers la modernité. Dans les dernières années, certains pays européens remettent en question ce modèle au profit d’un pouvoir exécutif plus fort. L’Italie de Giorgia Meloni a instauré l’an dernier une réforme constitutionnelle qui diminue les pouvoirs du parlement pour renforcer ceux du cabinet ministériel.
Cette montée d’une idéologie d’extrême droite s’accompagne d’une augmentation de l’influence russe en Europe. Ainsi, des pays comme la Bulgarie et la Hongrie cultivent d’étroites relations avec la Russie, malgré leur appartenance à l’Union européenne et à l’OTAN. Ces organisations, symboles de l’hégémonie occidentale, ont beau s’insurger à coup de pressions économiques, elles ne font pas le poids face aux critiques. L’Occident n’arrive plus à dicter ses règles et perd en autorité. L’opinion publique est une arme. Moscou l’a compris.
Un autre symptôme historique du déclin d’un empire: ses défaites militaires. Les grandes puissances se justifient souvent d’intervenir ailleurs, mais, lorsqu’elles sont malades, leurs interventions militaires à l’international les affaiblissent. L’intervention américaine en Afghanistan, censée asseoir la présence occidentale, a sonné le glas d’une ère où les États-Unis étaient les gendarmes du monde. Un retrait chaotique, un retour humiliant des talibans au pouvoir, des milliers de milliards de dollars dilapidés; le bilan des 20 années d’occupation occidentale est peu glorieux. La défaite en Afghanistan incarne une Amérique dépassée qui s’épuise en vain dans des guerres perdues, sans y maintenir son influence ni y remporter quoi que ce soit.
L’Occident semble s’écrouler de l’intérieur. Du moins, c’est ce que laissent entendre les doutes internes qui minent sa crédibilité. L’effritement de cette cohésion s’incarne dans l’attitude de l’OTAN, bras armé de l’Occident, à l’égard de l’Ukraine. L’invasion russe de 2022, atteinte claire à la souveraineté de Kyiv, n’est pas condamnée au même niveau par les différents membres de l’OTAN, pourtant unis dans une même conception démocratique. Washington, à l’instar de Budapest, refuse de reconnaître une solution au conflit où l’intégrité territoriale de l’Ukraine serait maintenue.
Si les membres de l’OTAN, institution incarnant l’Occident à son paroxysme, ne peuvent être d’accord sur une violation claire du droit international, sur quoi peuvent-ils s’entendre? Qu’est-ce qui leur reste en commun?
Un constat s’impose: l’équilibre mondial ne dépend plus de l’Occident. Est-ce une si mauvaise chose? N’hésitons pas à avoir l'audace de repenser le monde autrement.
Photo: Mark Cartwright