La catégorisation d’un régime politique ne se limite pas seulement au fait que des élections soient organisées régulièrement ou non. En fait, la démocratie fait partie d’un système qui évolue en fonction des réalités culturelles et sociales. Il n’y a donc pas une approche plus vertueuse qu’une autre.
« L’analyse des élections en Afrique a tout à gagner à s’éloigner de la thèse simpliste [...] de la transition irréversible vers la démocratie par l’élection et qui prend, plus ou moins explicitement, le modèle occidental comme référent ultime », écrit Pierre Jacquemot, dans son livre De l’élection à la démocratie en Afrique. Il est l’ancien président du Gret, une organisation non gouvernementale de solidarité internationale. Il a aussi travaillé dans la politique de près d’une dizaine de pays africains.
La ou les démocraties?
Dans le contexte africain, des élections truquées ne sont pas toujours synonymes de régimes autoritaires. La simple mise en place d’un processus électoral favorise l’éducation citoyenne et la sensibilisation des individus à propos de l’importance des libertés fondamentales. Chaque année, ces éléments font avancer la démocratie, à l’image des peuples africains.
Il faut comprendre que l’expérience démocratique varie d’une région du monde à l'autre. Même si un régime politique est gangrené par la corruption, par exemple, cela ne signifie pas qu’il s’agisse d’un gouvernement autoritaire. On ne penserait pas à remettre en question la démocratie d’un pays occidental aux prises avec un scandale de corruption. Pourquoi serait-ce différent pour l’Afrique?
La vaste majorité des États africains se sont dotés, depuis les années 1990, d’un système électoral qui implique un choix entre plusieurs candidats ou candidates. Cette façon de faire est bien évidemment inspirée de l’Occident, mais les sociétés africaines ont su se développer dans le respect de leurs traditions.
Par exemple, une région du Ghana est dirigée démocratiquement par un roi non élu, explique M. Jacquemot, ancien ambassadeur de France au Ghana, dans une entrevue à Franceinfo en juin 2020. Le gouvernement ashanti est choisi par la reine. Cependant, il ne s’agit pas d’un poste éternel puisque le souverain est au service du peuple, qui peut demander le renvoi du roi s’il ne satisfait pas aux exigences.
S’inspirer collectivement
Dans un esprit de collaboration, l’Union africaine a adopté la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance en 2007. L’article 16 encourage les États à coopérer afin de développer les démocraties du continent. Plus de la moitié des pays ont ratifié le document, ce qui prouve leur désir de se détourner des effets pervers de la colonisation qui feraient de l’Afrique le reflet de l’Occident.
La démocratie parfaite n’existe pas et ce que propose l’Occident est loin de correspondre à l’Afrique d’aujourd’hui, une Afrique qui se démarque par ses identités politiques.
Photo : Jennifer Griffin