Le Niger, le Mali et la Mauritanie sont des pays où l’esclavage par ascendance, un modèle de servitude qui diffère de celui transatlantique plus connu, sévit. Un « énorme » travail de sensibilisation doit être fait, selon les experts et experts.
L’esclavage par ascendance revient à étiqueter un ou une individue comme esclave en raison de l’asservissement de ses ancêtres. « Cette forme d’esclavage ne concerne pas des cas isolés », affirme Ousmane A. Diallo, chercheur au bureau régional d’Amnistie Internationale basé à Dakar. Il explique que ce phénomène est répandu, surtout dans les régions reculées du Niger, du Mali et de la Mauritanie.
En 1981, la Mauritanie est devenue le dernier pays au monde à abolir l’esclavage. Aujourd’hui le phénomène n’est plus ce qu’il était au 19e siècle, mais n’a toutefois pas été éradiqué, explique Marie Rodet, professeure d’histoire africaine à l’Université de Londres.
En Mauritanie, la population blanche, les Bidanes, mettent en esclavage les Haratines, les autochtones noirs. Toutefois, celui par ascendance reste la forme la plus répandue. Cela justifie « l’approche négro-mauritanienne », qui veut qu’un esclave noir puisse être au service d’un maitre noir, révèle Mme Rodet.
Manipulation psychologique
« On ne verra pas des gens attachés ou bien menottés ou encore fouettés pour être obligés de travailler », explique Mme Rodet. La violence physique correspond davantage à ce qui s’est passé en Amérique. Les esclaves par ascendance restent cloîtrés à cette vie par manque d’éducation, de revenu et souvent en raison des croyances religieuses de la population. Les maîtres n’ont donc pas comme premier choix la violence physique, mais plutôt la manipulation psychologique envers ces individus vulnérables.
« Il y a une mise au silence des contestataires qui fait partie de toute la propagande », mentionne Marie Rodet. Selon la professeure, pour un « esclave de naissance », si rien ne lui indique qu’un tel mode de vie est anormal, il ne voit aucune autre option que de rester dans sa classe dite « servile ».
Respect de la loi et sensibilisation
« Pour des [les institutions gouvernementales] faibles comme celles de la Mauritanie, il faut que la force reste à la loi », mentionne le socio-anthropologue malien Fodié Tandjigora. Les autorités font partie du groupe arabe les Sanhaja, soit la classe des nobles, qui fondent leur mode de vie sur l’esclavage. Pour eux, toujours selon M. Tandjigora, l’esclavage par ascendance est une coutume qu’il faut respecter.
Dans des sociétés où l’héritage de l’esclavage domine, « un énorme travail de sensibilisation doit être fait », plaide Mme Rodet. Selon elle, la présence des réseaux sociaux rend plus facile la dénonciation du phénomène en faisant circuler de l'information en tous genres et qui touche toutes les formes d’asservissement.
Illustration: Naïla Houde