Véhicules incendiés, prix élevés, manifestations sous plusieurs formes : les Martiniquais et Martiniquaises prennent violemment d’assaut les rues pour dénoncer le contrôle des békés, les Blancs et Blanches créoles descendantes des colons, sur le coût de la vie.
En 2022, une étude réalisée par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) montre que le coût des aliments est 40 % plus élevé en Martinique qu’en France métropolitaine. Le Monde rapporte que les békés possèdent un monopole économique en Martinique, malgré le fait qu’ils représentent une fraction minime de la population . Ceux-ci et celles-ci possèdent le monopole de l’industrie agroalimentaire et imposent des prix incohérents par rapport aux coûts de production. En 2020, selon l’INSEE, 27 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté.
« On peut trouver un kilo de banane moins cher à Paris qu'à la Martinique. […] La production locale est vendue moins cher en hexagone, que chez nous », mentionne une membre du Rassemblement pour la Protection des Peuples et des Ressources Afro-Caribéens (RPPRAC), Aude Goussard, dans une vidéo de l’agence de presse CLPRESS. Ce groupe, à l’origine du mouvement contre la vie chère, compare les prix des biens dans les territoires et la métropole, en direct sur les réseaux sociaux. Cet écart s’explique par le pacte colonial : il y est prévu que les Outre-mers, les territoires de la République française éloignés de la France métropolitaine, apportent leur matière première en Europe en échange de conteneurs pleins de produits d’alimentation.
Plusieurs békés détenant le monopole de secteurs économiques clés, tels que la production agricole et l’importation automobile, ont construit leur richesse sur l’indemnisation versée aux familles propriétaires d’esclaves lors de l’abolition de l'esclavagisme.
La martinique face au monopole des békés
Comme exemple de manifestations pacifiques, les Martiniquais et Martiniquaises se rassemblent en remplissant leur panier à l’épicerie, arrivent à la caisse et choisissent de ne rien prendre, puisque tout est trop cher. Cela crée d’énormes bouchons et fait perdre de l’argent aux entreprises.
Cependant, depuis le premier septembre, les habitants et habitantes bloquent le port de Fort-de-France et les manifestations sont devenues plus violentes.
En réponse à cet événement, le préfet de la Martinique, Jean-Christophe Bouvier, a imposé un couvre-feu partiel le 18 septembre et une interdiction des manifestations. Les Martiniquais et Martiniquaises, souhaitant le soutien du gouvernement, ont vu ces interdictions comme une atteinte à leur liberté. Indigné(e)s, ils et elles ont incendié plusieurs véhicules et les violences urbaines ont continué. Les forces policières ont échangé des coups de feu avec les émeutiers et émeutières et ont lancé des gaz lacrymogènes sur la foule.
Ces manifestations nuisent à la population locale : elles ont fait perdre une journée de salaire aux travailleurs et travailleuses et plusieurs services publics ont été mis en arrêt.
De leur côté, les békés n'ont pas eu de répercussions au niveau économique ; ils et elles maintiennent toujours le monopole et une grande partie d’entre eux et elles « sont réunis dans un coin de l’île », explique Sandrine N., une résidente. Elle fait référence au Cap Est, dans un endroit surnommé « Békéland ». Selon elle, lors de grandes tensions économiques similaires, deux ans plus tôt, « le gouvernement français [avait] envoyé des troupes pour protéger cette région ». Cette communauté est donc privilégiée et il est difficile de leur retirer du pouvoir.
Crédit photo : Yannis Bennakir