Depuis le scrutin du 9 août dernier, des dizaines de milliers de personnes sortent dans les rues du Bélarus chaque semaine pour protester contre la fraude électorale et la violence policière. Trois femmes sont à la tête de ce mouvement sans précédent : Svetlana Tikhanovskaïa, Veronika Tsepkalo et Maria Kolesnikova.
Alors qu’elles sont devenues les cibles du président Loukachenko, elles constituent une lueur d’espoir pour une partie de la population. Elles ont notamment reçu plusieurs témoignages de soutien sur les réseaux sociaux et par des dirigeants et dirigeantes à l’international.
« Cela fait 26 ans qu’il est au pouvoir : sa mentalité, son langage et ses valeurs reflètent une personne qui a vécu pendant l’Union soviétique », fait valoir le professeur au programme d’études internationales du Collège militaire royal de Saint-Jean, Yann Breault. Selon lui, un autre facteur qui a incité le désir de changement dans le pays est « la gestion catastrophique de la pandémie » par Loukachenko.
Au lendemain de l’élection, Svetlana Tikhanovskaïa a dû s’exiler en Lituanie sous la menace des autorités. Veronika Tsepkalo est allée rejoindre son mari réfugié en Russie et Maria Kolesnikova est restée sur le territoire bélarusse.
Des figures de proue féminines
Les autorités ont d’ailleurs tenté de forcer Maria Kolesnikova à quitter le pays. Elle a refusé fermement avant de déchirer son passeport à la frontière, geste qui est devenu un moment marquant des manifestations. Elle a été emprisonnée quelques jours plus tard et accusée d'atteinte à la sécurité nationale pour avoir incité à la contestation sur internet. Plusieurs pays, comme la France et les États-Unis, ont condamné son arrestation et les exils forcés par les autorités.
« Il y a quelques jours, on a proposé [à Maria] de rencontrer personnellement Loukachenko dans un centre de détention provisoire, mais elle a refusé. Elle a tout simplement refusé. Une femme formidable! », raconte une jeune femme bélarusse, qui s’est entretenue avec L’Apostrophe sous le couvert de l’anonymat, par peur de représailles.
Depuis les élections, des rassemblements pacifiques ont lieu partout au pays pour réclamer la démission d’Alexandre Loukachenko et des changements au sein du régime politique. Des journées de manifestation ont été organisées uniquement pour les femmes. Vêtues de blanc, fleurs à la main, elles sont descendues dans les rues.
« Par le passé, les manifestations étaient majoritairement composées de jeunes hommes », mentionne M. Breault. Il rapporte que l’engagement des femmes aux manifestations est une nouveauté dans le pays.
Un président dégradant
Aux yeux de Loukachenko, les femmes n’ont pas leur place dans le monde politique et ne devraient pas être prises au sérieux. Une autre citoyenne bélarusse, dont l’identité est aussi protégée par crainte de représailles, spécifie que les manifestants et les manifestantes sont considérées comme mauvaises et en marge de la société. « Quand les femmes sortent dans la rue pour manifester, Loukachenko dit qu’elles sont des prostituées », ajoute-t-elle.
Le 26 octobre, Svetlana Tikhanovskaïa a annoncé un mouvement de grève générale dans le pays pour inciter le président à démissionner. Cette situation délicate reste à surveiller au courant des prochaines semaines. Le Bélarus tourne présentement une page de son histoire pour commencer un nouveau chapitre, possiblement écrit par des femmes.
Illustration par Malika Alaoui