L’efficacité et la précision des prothèses futuristes s'améliorent d’année en année. Le monde du sport se dirige inévitablement vers une transition technologique, notamment chez les athlètes paralympiques. Toutefois, l’idée d'utiliser la technologie pour repousser les limites naturelles du sport devient de plus en plus alléchante, mais pas pour autant gagnante. Elle doit servir seulement à pallier un handicap.
Depuis 2016, en Suisse, le Cybathlon, une compétition qui cherche à développer des technologies d’assistance, permet aux personnes vivant avec un handicap de représenter leur pays en effectuant des tâches du quotidien. Les participants vont faire du vélo, préparer un repas, étendre du linge, etc.
Qui sait ce que ces avancées pourraient apporter aux performances des athlètes de haut de niveau, tous sports confondus ? Imaginez un lanceur au baseball avec un bras bionique ! Jusqu’où devrions-nous laisser entrer la technologie dans le monde du sport ?
Les paralympiques
Lors des derniers Jeux de Tokyo, seules les prothèses passives, c’est-à-dire sans articulation motorisée, étaient autorisées. Les appareils bioniques ou motorisés, permis au Cybathlon, ne sont pas acceptés aux paralympiques.
« Ce type de prothèse repose sur un contrôle myoélectrique [motorisé] basé sur la contraction volontaire des muscles résiduels du bras, mentionne Nathanaël Jarrassé, chercheur en robotique d’assistance et de rééducation à l’Institut des systèmes intelligents et de robotique (ISIR). Ce système permet [...] de donner des ordres à la prothèse et de contrôler les articulations. »
Mais pourquoi ne voit-on pas ces prothèses futuristes au service des athlètes paralympiques ? Nous avons l’opportunité de changer leur vie, et honnêtement, la qualité du spectacle en serait sans aucun doute améliorée.
Deux options
Actuellement, un athlète en situation de handicap pratique son sport en compagnie d’autres athlètes dans la même situation avec des prothèses passives. Toutefois, le Cybathlon démontre que les prothèses motorisées offrent des possibilités de performances incroyables supérieures à celles qui sont passives. Dans le cas où les athlètes paralympiques bénéficieraient de cette nouvelle technologie, deux scénarios se présentent à nous.
Une première option est la fusion des athlètes en situation de handicap et des cyborgs. Mais, donner un bras robotique ultra performant à un, n'est pas juste pour l’autre. On ne peut pas jumeler l’homme et la machine dans la même catégorie.
La deuxième option d’une transition du paralympique vers une compétition de cyborgs, semble plus probable et plus équitable. Les athlètes paralympiques utilisent la technologie pour combler leur handicap, ce qui devient les Jeux « cyber » olympiques. Elle nous permet d'observer les exploits des athlètes ainsi que les progrès technologiques, sans que ceux-ci n’entrent en conflit.
La transition vers le sportif bionique et la technologie au sein même du sport est inévitable… pour le meilleur et pour le pire.
Non aux sportifs augmentés !
Philippe Blanchard a été directeur au Comité international olympique (CIO) et précise dans sa chronique sur le site Arabnews.fr que « nous sommes aujourd’hui à l’aube d’une nouvelle étape, celle du sportif augmenté, de type cyborg qui bénéficie de greffes ainsi que de compléments mécaniques et électroniques ». Ça fait peur.
Outre les paralympiques, il est question ici d’athlètes de ligues majeures qui domineraient leur sport grâce à des bras bioniques capables de décupler la force de leurs lancers et de joueurs qui patineraient, sauteraient ou couraient deux fois plus vite grâce à des exosquelettes.
Est-ce vraiment cela, le futur du sport ? Voir les records de nos idoles être fracassés à cause de la technologie ? Imaginez des recrues dans la NBA battre des records détenus par Lebron James qui étaient jusque-là inatteignables. Ou encore, que les meilleures prothèses se retrouvent au sommet du classement! C’est notamment le problème en Formule 1. La technologie influence beaucoup trop le rendement du pilote. Il peut être désavantagé à cause de sa propre voiture, sa propre écurie. Et l’inverse est aussi vrai. On ne veut pas que la technologie influence à ce point le rendement d’un athlète qui n’est pas en situation de handicap.
Nous ne voulons pas un record artificiel, mais plutôt admirer les prouesses des meilleurs d'entre nous. La beauté du sport est de voir un athlète exceller dans une discipline avec comme seuls outils ses ressources physiques et mentales. Il s’agit déjà d'un effort surhumain, alors pourquoi remplacer l’humain par une machine ?
Ne dénaturons pas l’essence même du sport.
Illustration : Naïla Kitiara Houde