Alors que les tensions diplomatiques s’accentuent, il est facile de choisir le camp des « gentils » de l’Occident et de se ranger derrière ses positions et ses déclarations. Si les affirmations des « méchants » sont presque systématiquement remises en question, celles des « gentils » devraient aussi être questionnées.
Le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, accusait en février dernier la Chine de songer à fournir des armes à la Russie pour l’appuyer dans son offensive contre l’Ukraine. Évidemment, Pékin a rapidement contredit ces allégations. Un classique en diplomatie : deux États qui s’accusent à tour de rôle.
Demeurons vigilants devant de telles assertions, car, d’un côté comme de l’autre, on pourrait tenter de nous duper. L’Union européenne (UE) a spécifié ne disposer jusqu’à présent d’aucune preuve lui permettant d’arriver à la même conclusion que les États-Unis.
Loin de nous l’idée de faire l’apologie de la Chine ou de crier au complot. Il s’agit plutôt d’une mise en garde, car, en politique internationale, les États jouent tous au même jeu. Et nos « gentils » ont eux aussi caché des vérités pour arriver à leurs fins, jetant de l’huile sur le feu d’importants conflits.
Il y a 20 ans, Colin Powell, alors secrétaire d’État américain, étalait, devant les Nations unies, des preuves provenant de « sources solides » lui permettant d’affirmer que l’Irak possédait « des armes de destruction massive ». Le coup d’envoi était donné à l’invasion de l’Irak par les États-Unis, un désastre géopolitique qui visait à « désarmer » le pays.
Rappelons qu’aucune arme du genre n’a été trouvée sur le territoire.
Powell s’est expliqué : au moment de sa déclaration, il était convaincu de dire la vérité. À coups de cartes et de tableaux sophistiqués, de photos et d’enregistrements téléphoniques, des haut placés du service de renseignement américain l’ont persuadé.
Ce cas, comme celui de la guerre du Vietnam et des Pentagon Papers, prouve que la désinformation est une arme que les dirigeants savent manier.
En Europe, les doutes persistent quant à l’implication de la France dans l’assassinat du président burkinabè, Thomas Sankara en 1987. Le révolutionnaire socialiste et anti-impérialiste dérangeait à l’ère de la «Françafrique» et ses relations étaient particulièrement tendues avec le président français de l’époque, François Mitterrand.
Si la thèse de l’intervention française est niée par les officiels de l'Élysée, les soupçons sont, encore aujourd’hui, alimentés par de nombreux témoignages crédibles. Les documents qui permettraient de faire la lumière sur le néo-colonialisme européen sont tenus secrets pour des raisons de défense nationale malgré les revendications des spécialistes. Le chercheur Christian Lequesne recommande aux dirigeants d’expliquer leurs actions à l’opinion publique a priori au lieu de les justifier de manière réactive. Exigeons que des propos nuancés et des preuves irréfutables soient présentés.
La diplomatie prend des airs de Far West et un esprit critique aiguisé s’impose, surtout en ces heures de tensions.
Illustration: Magali Brosseau