Un problème subsiste avec les collections étrangères des musées occidentaux : beaucoup d’entre elles ont été volées lors de la colonisation. Aujourd’hui, les effets des pillages de cette époque ont encore des répercussions partout en Afrique.
Au Kenya, l’absence de ces artéfacts dans leur pays d’origine cause un flou historique auquel plusieurs pays tentent de remédier. C’est pour cette raison qu’un programme kényan tente de les retracer.
Se réapproprier l’histoire
Lancé en 2018, l’International Inventories Programme (IIP) est un projet de recherche international qui vise la construction d’une base de données répertoriant les objets kényans conservés dans des institutions culturelles du monde entier. Le programme implique plusieurs musées qui collaborent avec des institutions de France et d’Allemagne.
L’IIP n’a aucun pouvoir sur le rapatriement des objets vers leur pays d’origine, mais sa mission n’en est pas moins importante. Selon l’IIP, il y aurait un manque de partage d’informations concernant les artéfacts des institutions occidentales avec le Kenya qui serait à l’origine des lacunes de connaissances culturelles du peuple kényan. Partout, on affirme que l’éducation est un droit fondamental, mais des dizaines de pays sont encore privés d’une histoire complète.
À ce jour, 32 501 objets volés ont été recensés dans la base de données disponible en ligne sur le site de l’IIP. Grâce aux échanges de connaissances avec les musées, le projet espère rétablir la vérité sur ces objets qui sont parfois mal étiquetés et souhaite aussi créer un nouvel inventaire complet des artéfacts.
La bataille contre les voleurs
Bien que plusieurs communautés désirent la restitution de leurs artéfacts, les musées ne sont pas si aisément enclins à rendre des parties de leurs collections aux pays d’origine. Ce sont d’immenses tranches de l’histoire auxquelles ces communautés ont difficilement accès.
La colonisation a aussi eu l’effet de regrouper diverses ethnies très différentes dans le même pays; la cohésion nationale est de ce fait un des grands défis pour l’Afrique. Le manque d’objets empêche la construction d’un passé commun. Leur patrimoine est, en Occident, interprété par d’autres personnes et exposé selon les besoins de ces dernières.
Pour légitimer leur refus, les musées soulignent qu’ils craignent une mauvaise conservation causée par des conditions non optimales. Se faire voler des objets qu’on a soi-même conçus pour ensuite se faire dire qu’on est incapable d’en prendre soin, c’est infantilisant pour les communautés africaines.
L’Afrique, ayant été longtemps sous l’emprise des pays européens, est une fois de plus contrainte à laisser à d'autres le soin d’écrire et de conserver son histoire. Tant qu’on ne lui laisse pas la liberté de faire ses propres choix identitaires, elle restera dépendante d’entités extérieures. Il faut regarder les pays d’Afrique en tant qu’égaux aux pays occidentaux.
Il est scandaleux que des Africains et Africaines doivent quitter leur pays pour découvrir leurs artéfacts. Beaucoup ne verront jamais les traces laissées par leurs ancêtres. Il est primordial de redonner à l’Afrique les merveilles qu’elle a créées et les clés de son histoire.
Photo : Jasmine Bousquet