Ce que j'ai remarqué au fil de mon expérience avec les médias, c'est que, bien souvent, on nous met dans la même catégorie et à part des autres. Mais, il faut tenir compte de la multitude de cultures et de réalités différentes à travers le monde.
Pluralité des réalités
En 2018, j'ai pu faire partie d'une délégation pan-canadienne du Wapikoni Mobile à l'instance permanente sur les questions autochtones de l'ONU à New York. En 2019, j'ai fait partie du groupe qui a ouvert la marche historique pour le climat qui a rassemblé 500 000 personnes à Montréal, dont une certaine Greta Thunberg. Et en 2020, j'ai pu participer à la COP25 à Madrid.
Ces expériences étaient incroyables et enrichissantes. Cela a alimenté mon aspiration à devenir journaliste, car j'ai pu voir la dissonance entre la représentation des peuples autochtones dans les médias et ce que je pouvais voir directement sur le terrain.
J'ai pu témoigner du peu d'espace qu'on accordait à l'ensemble des nations autochtones pour s'exprimer à la COP25. Une tendance que j'ai pu observer dans bien d'autres contextes. J'ai pu voir des journalistes mettre des mots sur des expériences qu'ils ne comprenaient pas nécessairement, tout simplement parce qu'ils ne pouvaient pas les avoir vécues.
Je suis de la nation anishnabe de la communauté du Lac-Simon. J'ai passé toute ma vie séparée de ma communauté, de ma famille et de ma culture. Je ne parle pas la langue de mon père. Je ne connais pas les cérémonies et j'ai grandi en ville. Je reste tout de même une personne autochtone avec ma propre expérience qui va en rejoindre d'autres. J'apporte cette perspective dans les sujets dont je traite. Mais, chacun de nous représente une réalité différente.
D'où l'importance de la représentation des différentes perspectives. Et en ce moment dans les médias, une seule prédomine, et ce, depuis longtemps. Et pourquoi? Je peux tenter une réponse en faisant référence à la déformation des réalités autochtones à laquelle les médias ont participé au fil du temps. Une certaine méfiance demeure encore. J'ai moi-même longtemps hésité à me lancer en journalisme.
Ce qui nous unit
Une observation que j'ai pu faire également est que, parmi toutes ces nations qui ont leurs propres réalités, on partage certaines expériences. Celles-ci sont bien souvent liées aux impacts de la colonisation : la perte de culture, les pensionnats, les stratégies d'assimilation instaurées par la religion et le gouvernement...
Nous avons aussi des similarités. À la COP25 et à l'ONU, j'ai pu rencontrer différents représentants et représentantes de diverses nations à travers le monde. Les valeurs de partage, de respect et de communauté étaient très présentes dans toutes nos interactions.
Nos réalités ne devraient pas non plus être définies que par des enjeux qui touchent seulement les peuples autochtones.
La marche pour le climat de 2019 est un parfait exemple. Pendant longtemps, les peuples autochtones ont milité pour l'environnement. Les cultures mêmes tournent autour de la préservation et la protection du territoire. Le fait que nous ayons ouvert la marche de 500 000 personnes démontre que nos causes peuvent toucher tout le monde. Et bien souvent à travers le monde, les revendications des peuples autochtones sont des revendications de droits humains fondamentaux, comme l'accès à l'eau potable ou la souveraineté alimentaire.
Mais je sens que les choses changent peu à peu. La prochaine génération de journalistes me donne tellement d'espoir. On entend de plus en plus de voix représentant différentes réalités sous-représentées, ce qui en inspire d'autres à se soulever. Je remarque une certaine sensibilité au sein de mes collègues universitaires. Une sensibilité de bien représenter les différentes réalités avec soin et humanité. C'est ensemble que nous pourrons avancer.
Illustration: Bettie Desjardins