En Colombie, le vote du premier tour des présidentielles aura lieu le 29 mai prochain. La candidate franco-colombienne Ingrid Betancourt s’y présentera avec un nouveau projet : la mise en place d’un tribunal ayant pour seul mandat de réprimer la corruption sévissant dans le pays.
La candidate Ingrid Betancourt est une ancienne otage des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) entre 2003 et 2008, revenant sur l’échiquier politique du pays après 20 ans d’absence. Fondatrice du parti Oxígeno Verde, elle se présente une nouvelle fois sous la bannière de ce mouvement centriste et vert.
Pour la cheffe du parti, la création d’un tribunal anticorruption est le point central de son programme. Cette instance serait consacrée à l’investigation et à la pénalisation des individus liés à ce type d’activité ou à ceux et celles susceptibles de l’être.
Un sujet d’actualité
Selon Frédéric Massé, un politologue établi à Bogota, l’augmentation de la classe moyenne dans le pays conduit à une hausse des prises de conscience chez les individus qui possèdent, par le fait même, un plus grand capital matériel et intellectuel. En voyant leur qualité de vie augmenter, ils seraient plus critiques envers les institutions et les enjeux sociaux tels que la corruption.
En Colombie, l’indice de développement humain (IDH) ─ qui prend en compte notamment l'espérance de vie, la scolarisation, le niveau standard de vie et le PIB ─ croît depuis les années 90. En 2019, l’IDH était de 0,77, soit une progression de 0,05 points par rapport à son score de 2010.
Une réponse inadaptée
Samara Díaz, journaliste indépendante spécialisée sur les questions de conflit et de paix, partage une expression colombienne évocatrice de la situation : « Para mis amigos todo; para mis enemigos, la ley ». Autrement dit : « Tout pour mes amis ; pour mes ennemis, la loi ».
Pour la journaliste, la dimension culturelle de la corruption dans le pays est l’un des principaux problèmes qui empêche une lutte efficace contre ce fléau. « Quand tu grandis dans un milieu où “tout le monde” normalise ces comportements, difficile de lutter contre ce phénomène. Ça fait partie du paysage », explique-t-elle.
Selon Mme Diaz et M. Massé, le réel enjeu serait un changement au niveau de la culture, jumelé à une plus grande rigueur dans l’application de la législation déjà existante, comme la Convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption de 2014.
Pour Mme Diaz, c’est la crédibilité d’Ingrid Betancourt qui est remise en question. Son projet, pièce centrale de sa campagne, est en dissonance avec la réalité de la population, souligne-t-elle.
Photo : Lucas Jallot