Le 2 juin 2022, la Belgique est devenue le premier pays d’Europe à décriminaliser le travail du sexe et le deuxième pays au monde à le faire, après la Nouvelle-Zélande. Cette initiative, qui vise à assurer une meilleure sécurité pour les femmes, amène d’importantes revendications partout à travers le monde.
Alors que plusieurs organismes militent pour décriminaliser le travail du sexe, d’autres souhaitent voir ce métier être interdit et considèrent cette décriminalisation comme étant une mesure fondamentalement antiféministe qui risquerait de faire augmenter les violences sexuelles.
Malgré cet important débat, force est de constater que la décriminalisation du travail du sexe aide réellement à protéger les personnes pratiquant ce métier.
En entrevue avec le média Pivot, Maria Nengeh Mensah, professeure titulaire à l’Institut de recherches et d’études féministes de l’UQAM, explique : « des décennies d'études démontrent que la criminalisation rend plus difficile la dénonciation de vols, d’agressions et de violences ».
Il est assurément trop tôt pour évaluer les effets de la décriminalisation du travail du sexe en Belgique. Cependant, la Nouvelle-Zélande, qui a décriminalisé l'industrie il y a 20 ans, a prouvé que la décriminalisation avait des effets bénéfiques pour la sécurité des personnes qui pratiquent ce métier.
Selon une étude de Louise Cahill, infirmière clinicienne spécialisée à l’unité de santé sexuelle au centre canadien WISH, la décriminalisation de la prostitution en Nouvelle-Zélande n’a pas contribué à augmenter la demande de services sexuels. La mesure a contribué à ce que les pratiques sexuelles soient plus sécuritaires et à ce que les travailleurs et les travailleuses du sexe mettent en place des services de soutien communautaire en santé.
Cadre juridique canadien
Au Canada, le travail du sexe n’est pas criminel en soi, mais la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation criminalise certains aspects du travail du sexe. Il est, par exemple, illégal d’acheter des services sexuels, mais pas de les vendre. Il est aussi illégal d’en faire la publicité et de communiquer franchement avec les clients les termes contractuels.
Plusieurs organismes communautaires basés à Montréal, qui apportent du soutien aux travailleurs et travailleuses du sexe, tels que Stella et CATS, dénoncent ces lois. Cette législation engendrerait des pratiques sexuelles plus clandestines, dans des endroits plus isolés et avec des clients plus stressés.
Les personnes œuvrant dans l’industrie du sexe seraient plus vulnérables aux violences sexuelles et auraient plus de difficulté à dénoncer des situations dangereuses.
Alors que certains pays de l’Occident ont tenté diverses mesures pour encadrer l’industrie du sexe: l’abolition, la légalisation ou la décriminalisation, il est temps que le Canada emboite le pas de la Belgique et décriminalise complètement le travail du sexe puisque c’est la mesure qui s’est avérée la plus concluante.
Pour que les travailleuses du sexe puissent faire valoir leur agentivité sur leur travail, leurs droit à la sécurité et à la dignité, décriminalisons complètement le travail du sexe au Canada et concentrons-nous à dénoncer la traite d’humains, les violences sexuelles, le proxénétisme et l’exploitation sexuelle des mineurs.
Illustration: Magali Brosseau