La Suède, un pays reconnu pour être pacifique, est aujourd’hui confrontée à une hausse de la criminalité qu’une partie de sa population attribue aux vagues d’immigration des dernières années. Toutefois, derrière ces crimes semblent plutôt se cacher des problèmes d’intégration et d’inégalités dans le système scolaire suédois, d’après quelques experts.
Entre 2014 et 2016, environ 250 000 réfugié(e)s sont arrivés en Suède, dont une majorité de jeunes hommes. « C’était un nombre trop élevé [de réfugié(e)s], et l’intégration n’a pas réussi. Depuis cela, la Suède a changé », indique Henry Milner, politologue québécois ayant vécu en Suède et enseigné à l’Université d’Umeå.
Rissa Seidou (nom fictif), policière dans plusieurs banlieues problématiques de Stockholm, assure toutefois que les membres des gangs de rues sont des jeunes hommes nés en Suède et dont les parents sont immigrants. Ils ne sont pas issus des vagues d’immigration récentes. Selon son expérience sur le terrain, Mme Seidou explique que ce sont plutôt les inégalités dans le système scolaire suédois qui ont un lien avec cette criminalité.
En effet, selon la policière, dans les quartiers plus démunis, les professeurs sont moins qualifiés et doivent enseigner à plus d’élèves. Ceci peut mener les étudiants à se retrouver en échec scolaire, quitter l’école et s’affilier à ces gangs pour faire de l’argent.
D’ailleurs, Françoise Sule, professeure de français retraitée de l’Université de Stockholm qui habite en Suède depuis 1979, fait remarquer qu’avant, c’était l’État suédois qui était responsable de l’éducation de manière unifiée. Toutefois, il y a eu des réformes dans le système scolaire suédois, et depuis ce temps, ce sont les communes, c’est-à-dire les régions, qui sont en charge de leurs propres écoles. « Pour donner une chance égale à tous les enfants, il faudrait que ce soit l’État qui soit responsable de l’éducation », mentionne-t-elle.
C’est notamment en réglant ces problèmes dans le système scolaire suédois que la criminalité cessera d’être préoccupante, puisque ces jeunes hommes seront ainsi moins tentés de quitter l’école et de s’affilier aux gangs de rues, selon Rissa Seidou. Elle insiste aussi sur le fait que les immigrants et immigrantes doivent recevoir des cours adéquats de suédois afin de bien s’intégrer à la société.
Entre souplesse des politiques d’immigration et baisse de la criminalité
M. Milner indique que les craintes de la population ont permis aux Démocrates de Suède, un parti d’extrême droite anti-immigration, d’accéder au titre de deuxième plus grand parti en Suède. Le parti a une importante influence sur le gouvernement de centre droit qui a été formé en septembre dernier.
Selon Mme Seidou, « le Suédois [moyen] est naïf. Il croit tout ce que la télévision et le gouvernement lui disent, parce que personne ne lui a expliqué que ces membres de bandes sont nés en Suède et que [la criminalité] n’a pas de lien avec l’immigration. » Aujourd’hui, la population est fatiguée de cette criminalité, ce qui explique, à son avis, l’engouement pour ce parti anti-immigration.
Pour faire baisser le taux de criminalité tout en conservant les politiques d’immigration généreuses, le nouveau gouvernement souhaite donner plus de pouvoir à la police, exiger plus de temps de prison et expulser les nouveaux arrivants qui commettent des crimes, selon ce qu’explique M. Milner.
Photo: Lucas Jallot