Sanna Marin, 35 ans, préside le Parti social-démocrate finlandais. Elle est devenue la plus jeune première ministre au monde en décembre 2019. Jacinda Ardern, 41 ans, mène le gouvernement néo-zélandais à la tête du parti travailliste. De son côté, Tsai Ing-Wen, 65 ans, est la première présidente de Taïwan. Regards sur des parcours parsemés d’embûches et teintés par les stéréotypes de genre.
L’expression « Jacindamania » a été utilisée pour décrire l’engouement envers Jacinda Ardern, affirme Jennifer Claire Curtin, professeure au département de politique à l’Université Auckland en Nouvelle-Zélande. Sa réaction rapide à la suite des fusillades contre les mosquées de Christchurch en 2019 a été saluée. « Elle a été exemplaire, elle n’a pas parlé du coupable, ne lui a pas donné de temps d’écran et elle a donné aux victimes la plus grande importance. Elle a rapidement adopté une politique de rachat des armes à feu semi-automatiques », explique Mme Curtin.
De son côté, Tsai Ing-wen lutte pour la démocratie. « Le dernier gouvernement avant 2016 disait être uni à la Chine, [mais] il continuait de coopérer avec le pays. Tsai Ing-wen ne veut pas se battre, mais garder l’indépendance », explique Ling-Fang Chen, professeure retraitée de l’Institut en études de genre de l’Université médicale de Kaohsiung à Taïwan. Ainsi, selon la professeure, elle continue de cimenter Taiwan comme une nation à part entière sur la scène internationale. « À Taiwan, nous chérissons notre démocratie. C’est ce qui nous distingue de la Chine », souligne-t-elle.
Le gouvernement de Sanna Marin valorise davantage l’égalité que ses prédécesseurs, juge Kevät Nousiainen, professeure en loi comparative et en théorie légale à l’Université de Turku en Finlande. Une réforme rendra prochainement le congé parental de durée égale pour les deux parents, peu importe leur genre : les parents du même sexe pourront ainsi se prévaloir du même droit. L’équité salariale fait également partie de ses priorités.
Le positif dans le chaos
La gestion de la pandémie de COVID-19 a généré un taux d’approbation élevé pour la première ministre finlandaise Sanna Marin, affirme Nousiainen. Le gouvernement a adopté des mesures favorisant le travail à la maison. La Finlande affiche un des taux les plus élevés de travail à distance en Europe. La réouverture des garderies, après deux mois de confinement, a permis aux parents de se concentrer sur leur travail.
La présidente Tsai Ing-wen s’est quant à elle démarquée avec la mise en place d’usines de production locale de masques et un contrôle strict des frontières. Ces gestes ont permis au peuple taïwanais un sursis d’un an et demi avant que la pandémie ne frappe. La population a pu continuer ses activités quotidiennes, explique Ling-Fang Cheng.
Pour endiguer la pandémie, Jacinda Ardern a adopté, dès le début, un confinement strict, ce qui a permis à la Nouvelle-Zélande de bien s’en sortir. « Elle a enveloppé le pays de papier bulle et a encouragé la population à se soutenir les uns [aux] autres en les comparant à une équipe de 5 millions de personnes », résume la professeure Curtins.
Cependant, la coalition du gouvernement finlandais, composée de cinq femmes, reçoit de nombreux commentaires misogynes sur Twitter. Kevät Nousiainen explique que les commentaires haineux qui critiquent ou remettent en question la qualification des les femmes ont explosé Sanna Marin, le 18 Mars 2021, sur son compte Twitter, leur répondait : « Oui, des femmes dirigent ce gouvernement, il faut s’y faire! »
Un couteau à double tranchant
Jacinda Ardern utilise les médias sociaux pour communiquer de façon efficace avec ses abonnés. « Jacinda est très authentique et compétente sur les réseaux sociaux, cela contribue à sa popularité », énonce Mme Curtin.
Cependant, la coalition du gouvernement finlandais, composée de cinq femmes, reçoit de nombreux commentaires misogynes sur Twitter. Kevät Nousiainen explique que les commentaires haineux qui critiquent ou remettent en question la qualification des les femmes ont explosé Sanna Marin, le 18 Mars 2021, sur son compte Twitter, leur répondait : « Oui, des femmes dirigent ce gouvernement, il faut s’y faire! »
Les mères du pays
La maternité est un sujet qui suscite la curiosité dans les médias. Jacinda Ardern a été interrogée sur ses désirs de maternité quelques heures après son élection. Lors de l’émission The AM Show, en août 2017 , un hôte avance que le pays doit savoir si elle compte prendre un congé de maternité. « Ce genre de traitement met l’accent sur le statut des femmes plutôt que sur le contenu de leurs politiques », souligne Mme Curtin.
Les opposants et opposantes de Tsai Ing-wen demandaient comment elle allait faire pour s’occuper des politiques familiales, alors qu’elle vit sans enfant ni mari. « On ne pose pas aux hommes politiques cette question, même s’ils ne s’occupent pas vraiment de leurs enfants », commente la professeure Ling-Fang Cheng. Elle ajoute que la présidente « voit ces commentaires comme une attaque à la démocratie, puisque beaucoup de femmes sont dans la même situation, et elles méritent de se faire entendre ».
Malgré les commentaires sexistes auxquels elles ont droit, les trois femmes ont su faire valoir leurs compétences, grâce, entre autres ,à leur excellente gestion de la pandémie. Selon les expertes rencontrées par L’Apostrophe, d’autres défis attendent ces cheffes : en Finlande, la relance économique, en Nouvelle-Zélande, la lutte aux changements climatiques et, à Taiwan, la menace croissante de la Chine.
Photo: Magali Brosseau