La Slovaquie a élu un nouveau gouvernement le 29 février dernier, OLaNO, dont le programme est basé sur la lutte à la corruption, après que les citoyens aient manifesté leur mécontentement à la suite de la mort de Jan Kuciak et de Martina Kusnirova.
Le 29 février 2020, la population slovaque s'est dirigée vers les isoloirs et a voté à 25% pour le parti « Les gens ordinaires et personnalités indépendantes » (OLaNO) d'Igor Matovic, un millionnaire autodidacte qui s'est donné comme mission de réformer la classe politique.
« La mort [de Jan Kuciak et sa compagne, Martina Kusnirova] était la pointe de l'iceberg, qu'Igor Matovic a utilisée pour son programme électoral. Son principal et seul sujet d'élection était la lutte à la corruption », explique le directeur de l'Institut de recherche en communication sociale de l'Académie slovaque de sciences de Bratislava, Dr Gabriel Bianchi.
Avec 25% des votes, l’OLaNO a atteint un taux suffisant pour mettre sur pied un gouvernement. Comme l'explique le professeur titulaire et directeur du département d'études internationales à l'Université York de Toronto, Stanislav J. Kirschbaum, « le système électoral est tel qu'il permet à moult partis de siéger au parlement s'ils obtiennent 5% des suffrages. [...] Le parti d'Igor Matovic a obtenu le plus grand pourcentage de votes, suivi de celui de Pellegrini, avec 18% et ainsi de suite. Six partis ont réussi à faire élire des députés. » Pour s’assurer d’être à la tête du pays, Matovic a décidé de faire une coalition avec trois autres partis. Il rassemble ainsi 95 députés sur 150, ce qui lui donne la majorité constitutionnelle.
De victime à héros national
Les dernières publications de Jan Kuciak portaient sur les activités de Marian Kocner, un homme d'affaires qui entretenait des liens avec des figures politiques slovaques au pouvoir. Au moment de sa mort, le 21 février 2018, il allait rendre public un rapport sur les liens présumés entre lesdites figures politiques et la mafia italienne. Le rapport a été publié de manière posthume et a provoqué des manifestations monstres dans toute la Slovaquie, dont une le 9 mars 2018 rassemblant 40 000 personnes à Bratislava, le plus grand rassemblement populaire du pays depuis 1989.
Huit personnes ont été arrêtées pour les meurtres du journaliste et de sa compagne, dont l'ancien militaire Miroslav Marcek, qui a avoué que le commanditaire est Marian Kocner.
Ces assassinats ont eu plusieurs conséquences, dont la démission de plusieurs ministres. « Certains analystes pensent que les résultats de cette élection signalaient une réaction à la corruption qui semblait définir les "vieux" partis. L'électorat souhaitait aussi vraisemblablement un changement dans les élites politiques », explique M. Kirschbaum.
« Le journalisme d'enquête est rare et faible [en Slovaquie], mais certainement très bien accueilli par le public. L’hypertrophie de la corruption aurait pu être facilitée par l'absence d'un journalisme d'enquête plus influent », avance Dr Gabriel Bianchi.
Photo par Benjamin Richer