L’Argentine est l’un des endroits les plus progressistes en matière de droits LGBTQ+ au monde. Ce pays est notamment reconnu comme exemplaire en matière de droits des personnes transgenres. De plus, la scène drag y est florissante et prend une place importante au sein de la communauté.
Le mariage homosexuel a été légalisé dès 2002 à Buenos Aires avant d’être légal à l’échelle nationale en 2010, ce qui était considéré à l’époque comme un moment décisif pour un pays catholique d’Amérique du Sud.
« Ce n’était pas vraiment une loi en faveur du mariage homosexuel, mais plutôt l’élimination de la référence au genre dans le mariage », a précisé Pablo Ben, professeur en histoire de la sexualité latino-américaine à l’Université de Chicago dans une entrevue avec Amnesty. « Cette légalisation n’aurait pas pu être possible sans plusieurs décennies d’activisme LGBT », ajoute-t-il.
De dictature à démocratie
Au début des années 1980, l’Argentine est passée d’une dictature militaire à un régime démocratique. Durant cette transition, le pays s’est concentré sur l’amélioration des droits de la personne, ce qui a été bénéfique pour l’avancement des droits LGBTQ+. « Notre pays a traversé des moments très durs et complexes comme des dictatures et des crises économiques. C’est ce qui nous a permis d'avoir un apprentissage et un respect significatifs des droits de l'homme, ce qui nous a rendus plus forts en tant que société », affirme la présidente de l’organisme Federation Argentina LGBT, Flavia Massenzio.
« Le nord du pays est encore très conservateur. Il y a une mentalité beaucoup plus progressiste à Buenos Aires, [...] sûrement à cause de la grande vague de tourisme internationale qu’il y a dans cette ville. » affirme Marianna K., drag queen et membre fondatrice du groupe Drag Clash, créé en 2016.
Le président actuel de l'Argentine, Alberto Fernandez, se préoccupe des droits des personnes queers. Celui-ci est le père de Dyhzy, la drag queen argentine la plus populaire sur Instagram avec plus de 379 000 abonnés.
« Je ressens de la fierté pour mon fils, comment est-ce que je pourrais ne pas être fier de lui? », a affirmé le président durant l’émission de radio Con Vos via Ushuaia Noticias. « Mon fils est un militant dans cette communauté. Je serais inquiet s'il était un criminel, mais il est un bon garçon », a-t-il ajouté.
Une première mondiale
Le World Health Organisation a nommé l’Argentine comme étant un exemple mondial pour le respect des droits des personnes transgenres.
En 2012, ce pays a adopté une loi permettant aux personnes transgenres d’affirmer leur identité sans accord médical ou juridique. La personne qui entreprend un processus d’affirmation de genre n’a donc besoin de ne subir aucune intervention chirurgicale ou aucun traitement hormonal pour s’identifier légalement au genre désiré. « Notre législation permet aux gens de changer de nom et de genre uniquement en exprimant leur décision dans un processus vraiment simple », a expliqué Flavia Massenzio. C’est le premier pays au monde à avoir adopté une loi de la sorte.
La scène drag en Argentine
En Argentine, l’art de la drag permet à ceux et celles qui le pratiquent de s'exprimer et de se sentir libres. « Ce que j’aime le plus d’être drag queen, c’est de pouvoir changer d’identité, d’être une autre personne pour un temps. Quand je suis en drag, je suis plus confiante et je me sens plus libre », affirme l’animatrice de radio argentine et drag queen Icona Gay.
La drag queen Marianna K. décrit quant à elle la drag comme l’art de la liberté et comme une pratique anticonformiste.
La scène drag en Argentine est très différente de ce qui se fait aux États-Unis ou au Canada. « Comparativement à la drag américaine comme on voit à la télévision, la drag en Argentine est beaucoup plus débrouillarde. Nous devons travailler avec beaucoup moins de ressources et nous devons penser différemment », affirme Marianna K. « La drag en Argentine est basée sur l’humour, même si nous commençons graduellement à être influencées par la drag américaine qui met l’accent sur la beauté physique. », ajoute t-elle.
Il faut continuer d’évoluer
Certaines régions du pays sont plus ouvertes à l’homosexualité et à la transidentité que d’autres. « L’Argentine est inclusive, mais il y a encore beaucoup d’homophobie et de transphobie. Cela peut prendre des années pour changer la mentalité des gens. Il faut augmenter la visibilité des personnes LGBTQ+ et éduquer les jeunes. », affirme Icona Gay.
La présidente de la Federation Argentina LGBT est très fière que son pays ait été le 10e au monde à légaliser le mariage homosexuel, mais elle tient à rappeler qu’il reste encore du chemin à faire. «Nous devons encore développer des politiques publiques et une législation spécialement pour les personnes trans pour revenir sur des décennies d'exclusion et de discrimination. Nous avons besoin d'une nouvelle loi anti-discrimination qui inclut les personnes LGBT+ pour prévenir et résoudre la discrimination une fois qu'elle se produit », explique Mme Massenzio.
Illustration: Élizabeth Martineau