Si les nombreux décès qu’engendrent les guerres sont d’une gravité incontestée, plusieurs autres conséquences environnementales surviennent lors de conflits armés : érosion des sols, destruction de forêts, pollution des mers, etc. Ces conséquences à long terme deviennent, elles aussi, un fléau pour les populations au front.
Quand il est question des guerres qui ont eu un impact négatif considérable sur l’environnement, trois conflits en particulier ont été reconnus pour la toxicité de leurs pratiques, estime la chargée de cours en droit de l’Université Laval, Camille Marquis Bissonnette. Il y a d’abord la Seconde Guerre mondiale, puisque les États-Unis se sont servis d’armes atomiques au Japon. La guerre du Vietnam, où « l’usage massif de “l’agent orange” [l’un des herbicides utilisés par l’armée américaine qui causait la mort de la végétation] a détruit 14% des forêts [du pays] », est aussi importante sur ce plan. Enfin, elle nomme la Première guerre du Golfe, qui a causé un déversement important d’hydrocarbures dans la mer.
L’un des conflits contemporains les plus médiatisés est le conflit syrien, déclenché lors du printemps arabe de 2011 par la répression violente de manifestations. Il n’est pas encore aisé de faire le bilan complet des impacts environnementaux sur le territoire syrien, étant donné qu’il s’agit d’un conflit inachevé en date d’aujourd’hui. Il existe cependant certaines études à cet effet. « L’usage d’armes dommageables pour l’environnement comme les armes chimiques, la destruction de raffineries ou d’usines de centrales électriques ont clairement nuit à l’environnement », avance Mme Marquis Bissonnette. Elle ajoute qu’en plus des conséquences environnementales, les effets de la guerre se matérialisent notamment par la vague de migrants syriens aux frontières grecques.
Il est également difficile d’établir avec rigueur l’étendue de l’impact des guerres sur l’environnement puisque celles-ci sont davantage dénoncées pour les pertes humaines qu’elles engendrent. Toutefois, si les technologies toxiques et les armes polluantes dégradent le territoire sur lequel elles sont utilisées, d’autres phénomènes sont à prendre en compte dans les dommages causés. Mme Marquis Bissonnette énumère entre autres « les déplacements de population vers des zones naturelles ou protégées, puisque le fait de s'établir sur de tels territoires engendre l'exploitation de ses ressources naturelles, l’accumulation des déchets et le non-traitement de l’eau ». La destruction de maisons et d’immeubles répand elle aussi des résidus de matériaux de construction au niveau de l’air, du sol et de l’eau, ajoute-t-elle.
L’usage de restrictions
Il existe des restrictions au niveau des armes ou des technologies pouvant avoir un impact sur l’environnement. Elles sont regroupées par le droit international humanitaire: « L’une des règles principales est celle de l’article 35 du Protocole additionnel I aux Conventions de Genève », explique la directrice du programme de maîtrise en droit (cheminement droit international et politique internationale appliqués) et juriste, Me Geneviève Dufour.
Trois points précisent l’article 35: le premier stipule que les territoires en guerre n’ont pas carte blanche quant aux armes ou technologies qu’ils ont le droit d’utiliser. Le deuxième point proscrit l’usage de tout ce qui pourrait causer « des maux superflus », soit des conséquences négatives qui ne sont pas considérées comme nécessaires. Enfin, il est interdit d’avoir recours à des méthodes susceptibles de causer des « dommages étendus, durables et graves à l'environnement naturel. »
Il est possible d’établir un lien entre l’évolution de la guerre et l’évolution du monde moderne. Étant donné que les conflits armés ont connu plusieurs changements au fil du temps, le développement de nouvelles technologies pourrait influencer le déroulement des guerres à venir. Si autrefois les soldats se promenaient à cheval sur les champs de bataille, leur moyen de déplacement a été remplacé par les chars de guerre, en conformité avec les changements de la société.
Aujourd’hui, à l’ère où les enjeux environnementaux prennent une place de plus en plus importante, plusieurs restent méconnus. C'est d’autant plus vrai quand il s'agit des effets de la guerre, surtout dans un contexte mondial où l’utilisation d’armes nucléaires, qui malgré ce que l’on peut croire, « n’est pas explicitement interdite » par le droit international humanitaire, ajoute Mme Marquis Bissonnette.
Photo par Édouard Desroches