Instinctivement, nous avons tendance à trouver l’idée ridicule. Et si elle ne l’était pas complètement? Le pupitre politique s’est penché sur la question du Québec comme 51e État américain.
L’idée du Québec en tant qu’État américain ne date pas d’hier. En 1775, les troupes américaines en pleine révolution tentent d’annexer le Bas-Canada, sans succès. Elles s’essaient à nouveau, en 1812, un autre échec.
Selon la théorie de la destinée manifeste, les États-Unis auraient la « mission divine » de conquérir tout le continent nord-américain. Le Canada serait une « erreur historique » et, un jour, les deux pays ne feraient qu’un.
Plus récemment dans notre histoire, l’idée d’être un État américain a été défendue par le Beauceron Hans Mercier, chef du Parti 51, qui a proposé de 2016 à 2022 un programme électoral assez étonnant, merci. Au menu? L’annexion du Québec aux États-Unis comme 51e État. « Liberté, sécurité, prospérité », dit le slogan du parti.
Davantage de « libârté »
Fédéralistes et souverainistes s’entendent : le Québec gagnerait à accroître son autonomie. Au Canada, la tendance à centraliser les pouvoirs vers Ottawa contribue à affaiblir le pouvoir décisionnel des provinces. Ce n’est pas un secret, Ottawa bafoue régulièrement les champs de compétence des provinces, même si, techniquement, la constitution canadienne garantit un « partage » des compétences.
Aux États-Unis, si Washington se mêlait des affaires du Texas, ce serait le plus grand scandale! Un envahissement des champs de compétence des États serait un affront incroyable. Complètement unamerican! Pourtant, au Canada, on accepte docilement le programme national d’assurance médicaments du Nouveau Parti démocratique (NPD), alors qu’il s’agit d’une violation claire de la compétence provinciale en matière de santé.
La structure politique américaine favorise une plus grande autonomie des États les uns par rapport aux autres. À l’inverse, les provinces canadiennes n’ont pas vraiment le choix d’accepter l’ingérence d’Ottawa, au nom d’un État fédéral plus fort et plus influent.
L’argument économique, c’est oui et non
En 2018, le Parti 51 a recueilli près de 700 votes dans la circonscription de Beauce-Sud, comme quoi une partie de l’électorat n’a pas trouvé le plan de Hans Mercier complètement loufoque. Pour certaines personnes beauceronnes, il y a un avantage à une possible disparition des douanes et à l’adoption de la devise américaine.
Toutefois, dans un scénario où le Québec serait le 51e État américain, les entreprises québécoises ne seraient plus protégées par certaines mesures régulatrices comme la gestion de l’offre du lait puisqu’elles feraient partie du marché américain. Rien n’empêcherait les industries américaines d’envahir les marchés d’ici avec leur lait boosté aux hormones. Déjà que les industries québécoises doivent constamment tirer leur épingle du jeu dans la compétition commerciale contre les produits importés… Il faut y penser à deux fois avant de laisser le loup entrer dans la bergerie.
Une incompatibilité au niveau des valeurs
Hormis la proximité géographique, sur le plan des valeurs, les idéaux québécois ne pourraient être plus éloignés des idéaux américains. Notre province et son État-providence ne sont pas compatibles avec le projet républicain, libertarien et conservateur.
Alors que Donald Trump a remporté l’élection présidentielle américaine avec 50% des voix, seulement 16% de la population québécoise voterait pour lui, selon un sondage de la firme SOM réalisé en novembre dernier.
Et le français?
Les politiques d’Ottawa ne sont pas nécessairement adaptées à la réalité de terrain des provinces et à leur caractère distinct, en particulier sur le plan culturel. Peu importe ce qu’on dira, le Canada n’est pas un pays bilingue malgré ses deux langues officielles, c’est un pays unilingue anglophone avec des minorités francophones.
Aux États-Unis, il n’y a pas de langue officielle. Le Québec, s’il était un État américain, pourrait créer sa propre régulation pour protéger la langue, comme la loi 101. Il reste le danger que l’hégémonie de la culture américaine - si une telle culture existe - supplante la nécessité de protéger la culture québécoise. In english, it’s easier.
Bref, le pupitre politique s’est beaucoup amusé dans cet exercice où nous avons laissé libre cours à notre imagination. Toutefois, revenons sur Terre. Que ce soit en tant que province canadienne ou État américain, le Québec est un village d’irréductibles Gaulois(es) au sein du continent nord-américain anglophone. C’est le Québec, l’erreur historique.
Crédit photo : Toa Heftiba