Le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a adopté à l’unanimité, le 7 septembre dernier, le projet de décret généralisant l'EVRAS aux écoles de la région. Des groupes comme le collectif Sauvons nos enfants font depuis entendre leur opposition, teintée de désinformation selon certaines personnes, qualifiant notamment le projet de « pervers ».
« La sexualisation des enfants avant l’âge de 12 ans, je trouve ça complètement anormal », déclare Bernadette Bouckaert, membre du collectif Sauvons nos enfants. Ces propos, basés en grande partie sur des informations provenant du Guide de l’Éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS), retiré maintenant de leur site officiel, reviennent souvent depuis la publication du décret.
L’EVRAS a été légiférée en 2012, rendant son inclusion obligatoire au cursus scolaire pour les écoles francophones de Belgique. Aucune règle n’a été donnée dans ce premier décret pour encadrer son application. Depuis le 7 septembre 2023, un nouveau décret impose des critères à l’implantation de l’EVRAS dans les écoles, qui s’accompagnent d’un guide de 300 pages. Celui-ci sert à outiller les formateurs et formatrices pour aiguiller les élèves selon leur groupe d’âge.
L’ensemble des étudiants et étudiantes de 6e année du primaire et de 4e année du secondaire doivent maintenant suivre au moins une animation EVRAS chaque année. Ces animations s’articulent autour de nombreux sujets inspirés par les questions des élèves allant de l’apprentissage du vivre-ensemble pour les plus jeunes, à la puberté, la contraception et la vie amoureuse pour les plus vieux. Malgré le fait que l’EVRAS soit large et traite de vie relationnelle et affective, beaucoup ne retiennent que l’aspect « sexuel » de l’acronyme.
Coraline Piessens, chargée de mission EVRAS pour la Fédération Laïque de Centres de Planning Familial (FLCPF) et ayant participé au processus de rédaction du guide, mentionne que l’idée récurrente que l’EVRAS « sexualise les enfants » n’est pas exacte.
« En général, les animateurs et animatrices EVRAS vont concevoir leurs animations sur la base des questions qu’ont les élèves de la classe », explique-t-elle. « On ne vient pas avec un contenu tout fait, où on décide des sujets [nous-mêmes]. Avec cette méthode, on ne devance pas du tout les questionnements et les préoccupations des enfants ».
Faire face à la controverse
Ceux et celles qui s’opposent à l’EVRAS utilisent de nombreuses tactiques pour faire prévaloir leur point de vue outre les manifestations. « Des groupuscules ont fait circuler de fausses nouvelles à grande échelle sur les réseaux sociaux en distribuant des dépliants dans les boîtes aux lettres ou à la sortie des écoles, ce qui a créé beaucoup d’inquiétude chez le public », précise Mme Piessens.
Celle-ci mentionne que l’atmosphère était plutôt chaotique dans les semaines suivant le décret, mais que la situation s’est depuis un peu calmée : « Maintenant, la tension est déjà un peu redescendue. On était dans une situation de gestion de crise pendant plusieurs semaines et on n'a pas pu se poser. On va désormais pouvoir réfléchir à la manière de rassurer les gens sur le long terme ».
Cependant, du côté du collectif Sauvons nos enfants, l’opposition à l’EVRAS n’est pas de passage. « La controverse n’est pas finie, les parents sont encore en colère », annonce Mme Bouckaert.
Un enjeu pour les parents
Bernadette Bouckaert indique que le groupe Facebook Sauvons nos enfants compte plus de 1200 membres, dont la plupart sont des parents d’élèves.
« [Les fausses nouvelles] ont vraiment créé de l’inquiétude chez les parents », précise Mme Piessens. La FLCPF a consacré une partie de son site internet aux questionnements des parents par l’entremise d’une foire aux questions.
Aider les parents à comprendre l’EVRAS devient aussi un enjeu dans les écoles. Selon Annabel Vansch, professeure au primaire dans la ville de Waremme, près de Liège, le problème relève de l’uniformisation des enseignements de l’EVRAS depuis le décret : « Avant la légifération, tout le monde faisait sa popote et sa soupe, mais maintenant tout le monde doit faire la même soupe. [...] On ne laisse pas le choix aux parents et c’est ça qui pose problème ».
Un accès égalitaire dans les régions
Un budget de 4,8 milliards d’euros par an est prévu pour la généralisation de l’EVRAS en Belgique francophone. Pour les écoles situées dans des régions plus éloignées des grandes villes, cette décision constitue une manière d’y avoir un accès plus égalitaire.
« Qui dit loi dit aussi financement », déclare Mme Vansch. « Cela permettra peut-être aux écoles de faire appel à des professionnels parce que nous, enseignants, ne sommes pas formés pour ça ».
Le guide EVRAS est le fruit de concertations avec 140 spécialistes comme des médecins, des éducateurs et des éducatrices spécialisées, ainsi que des enfants et des jeunes de 5 à 25 ans qui ont été sondés. « La généralisation de l’EVRAS va permettre à plus de professionnels de nous aider à gérer ces animations », conclut la professeure.
Illustration : Allyson Caron-Pelletier