Les fourmis de feu d’Amérique du Sud ont été ajoutées à la liste des espèces exotiques envahissantes de l'Union européenne l’année dernière, mais elles prolifèrent déjà en Italie : 88 nids ont été comptés en Sicile.
« On devrait investir plus en prévention », plaide Piero Genovesi, biologiste italien et chef du groupe de spécialistes des espèces envahissantes de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
Avec l’arrivée de l’insecte en Italie, les spécialistes craignent pour le reste du sud de l’Europe. « Les fourmis de feu pourraient s’étendre sur toute la région de la méditerranée », prévient M. Genovesi.
Les fourmis de feu étant sur la liste d’espèces invasives à éliminer en Europe, le chercheur qui les a trouvées avait une obligation légale de les signaler dès leur découverte. Selon M. Genovesi, il y aurait néanmoins eu un délai de huit mois entre leur découverte et ce signalement, ce qui a retardé les procédures pour contrer l’expansion de l’espèce.
Pour ce faire, l’UICN discute avec le gouvernement régional sicilien , mais aucune action n’a encore été prise pour remédier à la situation.
Un incendie intercontinental
La fourmi de feu, solenopsis invicta de son nom scientifique, est une espèce invasive et dangereuse, autant pour les écosystèmes que pour les humains. Aussi importé par cargaisons maritimes aux États-Unis il y a cinquante ans, l’insecte a maintenant envahi la moitié du continent nord-américain.
Selon Bernard Kaufmann, professeur à l’université Claude Bernard de Lyon et biologiste français, ces fourmis causent des dommages matériels considérables, dont la destruction de câbles dans les feux de signalisation. Les coûts engendrés par ces pertes et les tentatives d’éradications sont estimés à des milliards de dollars annuellement aux États-Unis, dont un quart en traitement avec des insecticides.
À cela s’ajoutent les pertes agricoles et d’élevage, puisque la piqûre de cet insecte peut entraîner allergies et mortalité chez les animaux. « La fourmi de feu va piquer quasiment systématiquement si elle vous monte dessus », explique M. Kaufmann.
Mondialisation
Le moment exact de l’arrivée des fourmis de feu en Europe est incertain, mais les spécialistes sont d’avis que la mondialisation a un rôle à jouer dans la question. « Des scientifiques suisses ont démontré par une série d’articles que les périodes de mondialisation sont [aussi] les périodes d’invasions biologiques », explique M. Kauffman.
Les échanges entre les pays et les continents favorisent la transmission d’espèces invasives. Selon M. Kaufmann, certaines nations comme la Nouvelle-Zélande et l’Australie tentent de s’en protéger, plus ou moins efficacement.
Le professeur déplore le manque de mesures européennes pour contrer le problème : « Avec les listes d’espèces à éradiquer, ça commence à aller mieux, mais on importe encore des plantes du monde entier, sans qu’il y ait de vérification. »
Illustration : Naïla Kitiara Houde