Les porteurs du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) d’Afrique du Sud ont maintenant accès à un traitement d’une pilule par jour incluant du dolutégravir, molécule déjà prisée en occident pour traiter cette maladie.
Un accord de prix notamment négocié avec UNAIDS en 2017 a permis aux secteurs publics de plusieurs pays aux revenus faibles à intermédiaires de se procurer ce nouveau médicament à un prix réduit, dans le but d’améliorer l’accès à des traitements plus efficaces pour le VIH.
On souhaite également augmenter les chances de réussite des objectifs de la stratégie 90-90-90, une initiative des Nations Unies. Cette dernière vise à ce que d’ici la fin de 2020, 90% des personnes séropositives connaissent leur statut, 90% de ces personnes soient traitées et 90% des personnes traitées n’aient plus de traces du virus dans leur sang.
Il faut savoir que l’Afrique du Sud est aux premières loges de cette pandémie; il s’agit du pays le plus touché par le VIH. Près de huit millions de personnes en sont atteintes sur une population de 56 millions d’habitants. Pour cette raison, le pays détient aussi le plus grand programme de traitement du virus et porte une attention particulière à l’atteinte des objectifs 90-90-90.
Ce nouveau médicament de formule trois-en-un combine le ténofovir, le lamivudine et le dolutégravir (TLD). Ces trois molécules s’attaquent à trois parties différentes du virus pour diminuer sa reproduction à long terme. Parmi elles, le dolutégravir est recommandé depuis 2019 par l’Organisation mondiale de la santé comme traitement à privilégier pour le VIH. L’accord de prix négocié en 2017 a permis à l’Afrique du Sud d’acquérir ce médicament pour un prix estimé à 75 dollars américains, soit près de 100 dollars canadiens, par personne, par année.
Virologue et chercheur de l’Institut de recherches cliniques de Montréal, Éric A. Cohen rappelle l’impact des faibles coûts et en réitère l’importance : « Compte-tenu des coûts qui sont relativement faibles comparés aux standards des pays développés, où avoir accès à une thérapie est significativement plus dispendieuse, il va y avoir beaucoup plus de personnes qui seront mises sous traitement. »
Une amélioration confirmée par les médecins
L’efficacité du traitement est liée à l’ajout de la molécule de dolutégravir (DTG) au ténofovir et au lamivudine, des molécules qui étaient déjà utilisées dans d’autres traitements pour le VIH. Le DTG permet de diminuer le taux du virus dans le sang très rapidement et à long terme. Grâce à cette molécule, ce taux peut atteindre un niveau assez bas qui ne permettrait plus de détecter le virus dans le sang. Une personne séropositive qui arrive à ce niveau ne peut ainsi plus le transmettre.
Par contre, M. Cohen rappelle que ces traitements « sont très puissants et contrôlent très bien la virémie, mais ils n’éliminent pas le VIH ». En effet, il faut continuer de prendre ces médicaments pour conserver cette faible charge virale, sans quoi, le virus recommencera sa reproduction dans le sang.
Virémie: La virémie ou charge virale désigne le taux de particules virales dans le sang pour un virus donné.
La médecin spécialiste et responsable du projet Montréal sans sida, Sarah-Amélie Mercure, confirme l’importance de prendre ses médicaments assidûment : « [Le VIH] est un virus face auquel il est assez facile de développer des résistances, on voit ça généralement lorsque les gens ne prennent pas leurs médicaments. » Elle assure tout de même que l’évolution de la science permet l’obtention de médicaments qui sont moins propices au développement de résistances, comme le TLD.
Le médicament semble aussi causer moins d’effets secondaires que son prédécesseur, le ténofovir-éfavirenz-emtricitabine (TEE). En Afrique du Sud, l’organisation Right to Care rapporte que le traitement TEE, présentement utilisé en majorité au pays, peut créer des effets secondaires neuropsychiatriques comme des rêves très réalistes et des cauchemars. Pour le TLD, on parle plutôt d’insomnie et d’autres effets secondaires négligeables.
Cela dit, la transition vers ce nouveau traitement, depuis son lancement en novembre dernier, ne se fait pas sans heurt. Malgré son accessibilité accrue, le TLD n’est toujours pas disponible dans tous les établissements de traitements du VIH. La Dre Allin-Widow, médecin dans une clinique publique de Hoedspruit en Afrique du Sud, rapporte que ces médicaments ne sont pas encore disponibles dans sa clinique et dans plusieurs autres. On y utilise toujours des traitements ayant des risques accrus pour la santé.
La Dre Allin-Widow explique que les débuts de traitement se passent bien pour les patients qui ne doivent prendre qu’un comprimé par jour. Par contre, 5 à 10% d’entre eux développent une résistance aux médicaments. « Ils doivent alors entreprendre des traitements plus compliqués de 2 à 3 comprimés, deux fois par jour », explique la médecin. Elle soutient qu’il s’agit d’un problème parce que « certains médicaments ne sont pas disponibles et qu’on doit alors trouver des alternatives. Pour certains, ça signifie des comprimés différents tous les 1 à 2 mois. »
Elle se réjouit tout de même de l’arrivée du TLD dans sa clinique, connaissant les bienfaits de ce médicament.
Photo par Marius Gellner