En signe de révolte contre le gouvernement, répressif depuis les 40 dernières années, la jeunesse zimbabwéenne s’est unie afin de faire entendre sa voix en créant un style de musique engagé et inspiré de son quotidien.
Le Zimdancehall, né vers la fin des années 1980 au Zimbabwe, est une variante du reggae. Produite par de jeunes Zimbabwéens pour leur peuple, cette musique s’inspire de leur combat quotidien afin de dénoncer les agissements du gouvernement.
L’émergence de ce style musical a coïncidé avec l’arrivée au pouvoir du défunt président du Zimbabwe, Robert Mugabe, mais c’est seulement dans les dernières années qu’il a eu une portée internationale. Le regain pour le Zimdancehall est notamment dû à la succession du nouveau président, qui est perçu comme étant encore plus radical dans ses mesures.
Les Zimbabwéens vivent dans une situation précaire, où leurs droits sont bafoués. Leur qualité de vie en subit directement les conséquences. Une artiste populaire du Zimdancehall, Lady Squanda, a exposé cette frustration dans son dernier album, Reality, lancé en juillet 2017. «On est fatigués, on abandonne [...] nous en avons assez de ce gouvernement, nous en voulons un nouveau», exprime-t-elle dans la chanson Kuchaya Mapoto.
«Vous avez une idée de ce à quoi le Zimbabwe ressemble, avec toutes ses contradictions, quand vous écoutez ces chansons», affirme en entrevue pour le New York Times Tanaka Chidora, professeure de littérature à l’Université du Zimbabwe. Selon l’experte du Zimdancehall, la musique d’un pays est souvent le reflet de son peuple.
Influences multiples
«C’est par des initiatives et des mouvements progressistes comme la musique et les arts que notre voix porte le plus», affirme le professeur à l’Université de Montréal spécialisé en études africaines, Mamoudou Gazibo, en référence au Zimdancehall, un style en pleine émergence, autant au Zimbabwe qu’à l’international.
Comme pour plusieurs autres peuples, la musique zimbabwéenne reflète le mécontentement de la société. Le mbaqanga est né des tensions raciales en Afrique du Sud au cours des années 1950, alors que le jazz a vu le jour au début du XIXe siècle, aux États-Unis, dans un contexte social de ségrégation des Afro-Américains et de lutte pour la reconnaissance de leurs droits. Professeure de musique spécialisée en jazz au Département de musique de l’Université du Québec à Montréal, Dominique Primeau insiste aussi sur le fait que c’est par le biais du jazz que les Afro-Américains ont trouvé la force de se libérer notamment de l’esclavage. Elle ajoute que «le jazz est beaucoup plus que [...] de la musique; c’est une force intérieure, une source de motivation rassembleuse». L’avenir dira si le Zimdancehall aura le même effet pour les Zimbabwéens que l’a été le mbaqanga pour les Sud-Africains ou le jazz pour les Afro-Américains.
Photo par Laurence Taschereau