Lors des élections américaines, l’appui d’un candidat ou d’une candidate à la présidence par un syndicat a de l’influence sur les votes de l’électorat. Le refus du syndicat des routiers et routières américaines d’appuyer un parti fait douter de la portée actuelle de cette influence.
Le syndicat International Brotherhood of Teamsters a écrit dans une publication sur son site officiel le 18 septembre qu’il refusait d’apporter son soutien à Kamala Harris ou Donald Trump. C’est la première fois depuis le début du 21e siècle que Teamsters n'appuie pas le parti démocrate. La dernière fois qu’une situation similaire s’est produite remonte à 1996 lors de la concurrence entre Bill Clinton et Bob Dole.
« La majorité d'entre eux sont des partisans de Trump, donc si le syndicat déclare [son soutien à Harris], alors vous avez une majorité des travailleurs qui sont mécontents »
- Judith Stepan-Norris, professeure au département de sociologie de l’Université d’Irvine en Californie.
Historique des syndicats
D’après Katherine Rye Jewell, professeure d’histoire à l’Université d’État de Fitchburg au Massachusetts, les premiers syndicats aux États-Unis émergent dans les années 1870 avec le développement des chemins de fer. À l’époque, les travailleurs et travailleuses œuvraient dans des conditions dangereuses et recevaient un maigre salaire. Leurs revendications pour de meilleures conditions de travail ont été entendues compte tenu de leur blocage des lignes de chemins de fer qui empêchaient le départ des trains.
Cependant, les syndicats n’ont pas été légalisés avant 1935, l’année de l’introduction du Wagner Act, une loi qui autorise les travailleurs et travailleuses à participer aux actions syndicales.
Influence sur les élections
Quand un syndicat appuie un candidat ou une candidate aux élections, ses membres sont plus enclin(e)s à voter pour cette personne. La priorité des syndicats est d’assurer la protection des conditions de travail de leurs membres.
Le syndicat manifeste à ses membres que le candidat ou la candidate appuyée est favorable à leurs droits en tant que membres syndiqué(e)s. Historiquement en faveur du droit de négociation collective, les démocrates se sont procuré(e)s l'appui de la majorité des syndicats, contrairement au parti républicain qui possède un historique allant à l’encontre des politiques syndicales. Ainsi, les membres des syndicats sont politisé(e)s et sont plus porté(e)s à aller voter.
L’un des plus gros syndicats américains est The American Federation of Labor and Congress of Industrial Organizations (AFL-CIO). Il est le résultat de la fusion de The American Federation of Labor, un syndicat organisant les travailleurs et travailleuses par les métiers, et du Congress of Industrial Organizations (CIO) un syndicat les organisant par leur industrie. Pour les élections américaines de 2024, AFL-CIO appuie les démocrates.
Les dirigeants et dirigeantes du syndicat Teamsters sont conscientes que le parti républicain au pouvoir ne leur serait pas avantageux, d’après Mme Stepan-Norris. En refusant d’appuyer un parti, ils et elles ne vont pas à l’encontre de leurs principes ni de leurs membres, selon l’experte.
La diminution de l’influence syndicale
« L'influence est là et elle pourrait être suffisante pour faire pencher la balance, mais [les syndicats] n’ont pas leur puissance d’auparavant, » déclare Christopher Vials, directeur du département d’études américaines et président du syndicat des professeurs de l'Université du Connecticut.
« Le pourcentage des travailleurs syndiqués est, sur le plan historique, très bas », affirme Judith Stepan-Norris.
Dans les années 1950, 35% de la population américaine appartenait à un syndicat, mais aujourd’hui seulement 10% des travailleurs et travailleuses sont syndiquées. En revanche, 67% de la population est favorable aux syndicats.
Aujourd’hui, les syndicats ont de la difficulté à accueillir de nouveaux et nouvelles membres et il est de plus en plus difficile pour la population de joindre un syndicat.
Lors de la création du Congress of Industrial Organizations, ses membres faisaient beaucoup de porte-à-porte. La distribution de brochures incitant à aller voter n'était pas rare. Les membres avaient une plus grande présence.
« Ils peuvent soutenir un parti et cela peut être un grand moment médiatique, mais ils ne frappent plus aux portes comme avant », affirme Mme Stepan-Norris.
Évolution de la composition syndicale
Le Taft-Hartley Act de 1947, introduisant une multitude de règles restreignant les politiques syndicales, limite les grèves. Ses mesures sont même parfois contradictoires au Wagner Act.
Les régulations entourant les syndicats et leurs politiques ne sont pas les seuls changements. L’évolution d’une économie de manufacture à une économie de service a également modifié la représentation des membres.
« Dans l'ensemble, il y a eu un changement dans la composition des syndicats, dans le type de travailleur, dans le genre, dans la couleur. Tout cela a beaucoup changé », explique M. Vials.
Credit photo : Benjamin Ashton