Pendant la campagne électorale aux États-Unis, le milieu artistique s’est mobilisé pour inciter les Américains et Américaines à exercer leur droit de vote. Bien que certain(e)s artistes encouragent la diversité d’opinion, la plupart des initiatives d’art visuel prônent une vision démocrate et anti-Trump.
Sachant que la potentielle victoire de Kamala Harris reposerait sur sa capacité à aller chercher le vote d’électeurs et électrices indécises, beaucoup d’artistes démocrates se sont donné pour mission de les convaincre à travers leur art. C’est le cas du regroupement Artists 4 Democracy, qui affirme ouvertement vouloir la défaite du candidat républicain, Donald Trump. Le collectif est d’avis que l’art visuel et les artistes peuvent avoir un impact sur la politique.
Sarana Mehra, cofondatrice d’Artists 4 Democracy et artiste multidisciplinaire, a créé ce regroupement pour mettre les artistes de l’avant en tant que groupe démocratique. Mme Mehra croit en la force du nombre. « Notre collectif œuvre pour la démocratie et, pour nous, la démocratie, c’est d’inciter les gens à faire entendre leur voix », précise-t-elle.
« C’est difficile pour moi de mesurer notre influence sur les élections américaines, parce que je ne peux pas vraiment savoir comment les gens votent. Ce que je sais, c’est que je crois profondément en notre art et j’ai confiance en son impact potentiel », affirme Mme Mehra.
Pour cette artiste, c’est l’impact visuel de l'œuvre engagée qui a le pouvoir d’influencer les gens. Selon elle, ce que Artists 4 Democracy fait est visuellement attrayant et se distingue des dépliants politiques traditionnels.
Quand l’art s’invite aux urnes
Le professeur à l’École des arts visuels et médiatiques de l'Université du Québec à Montréal Michael Blum considère que le contexte politique est particulier aux États-Unis. L’artiste et professeur indique que tout au long de la campagne électorale, la marge a été fine entre Kamala Harris et Donald Trump.
D’après lui, dans ces élections, les artistes ne cherchent pas à faire changer les gens d’avis, mais plutôt à aller chercher ceux et celles qui ne vont pas voter pour les inciter à se rendre aux urnes. « S’ils ne votent pas pour un candidat, ils devraient au moins voter contre l’autre », soutient-il.
M. Blum affirme que « dans un contexte aussi populiste, aussi anti-intellectuel, et où l'art contemporain est associé aux élites, les artistes ont finalement très peu d'influence sur le public en général ». Selon le professeur, il est possible que les œuvres des artistes engagé(e)s aient un impact sur le vote de quelques personnes. Cependant, il ne croit pas que cet art politique a le pouvoir d’influencer une majorité d’Américains et Américaines.
Jacob Thomas, un artiste contemporain américain dont les œuvres sont inspirées par la culture populaire, croit quant à lui que les gens sont plus enclins à écouter quand on se sert de l'art pour passer un message politique. À son avis, c’est une approche qui marque les esprits.
« Lorsque je mets mon œuvre dans la rue, les gens la voient. Ils interagissent avec cette œuvre. Ils réfléchissent et, inconsciemment, ce qu’ils viennent de voir a un impact sur eux », précise M. Thomas. Il croit que son art a une influence dans la mesure où ses réalisations sont vues par plusieurs personnes.
« Mon but n’est pas d’aller chercher les supporteurs de Trump pour les inciter à changer d’avis. Mon but est d’aller chercher les gens qui ne pensent pas que c’est important de voter et de les convaincre du contraire », affirme l’artiste.
Donner « un coup de pied à la démocratie »
Donald Cuccioletta, chercheur à l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire de recherche Raoul-Dandurand, considère que la manière dont certaines personnes se servent de leur talent artistique pour inciter la population à aller aux urnes est « magnifique ». En faisant cela, les artistes donnent « un coup de pied à la démocratie » selon lui. D’après M. Cuccioletta, ces œuvres engagées amènent quelque chose de nouveau et de nécessaire sur le plan politique.
Le politologue note que ce sont en grande partie les démocrates qui se sont servi(e)s de l’art pour faire passer un message durant la présidentielle. Selon lui, les républicain(e)s s’impliquent différemment en politique.
Pour Jacob Thomas, l’arrivée de Kamala Harris à la tête du parti démocrate a apporté une énergie nouvelle, quelque chose « d’électrisant ». Il a donc choisi de représenter la candidate avec le mot « Forward » sur plusieurs de ses affiches. « Le message que je veux transmettre, c'est que si on vote pour Kamala, on va avancer », déclare M. Thomas avec conviction avant la journée électorale.
« Je ne suis pas riche, je n’ai pas beaucoup d’argent, mais mon art, lui, est riche en idées et en significations », affirme Jacob Thomas, un trémolo dans la voix.
Crédit photo : Diana Kereselidze