L’exemption des crimes révélés durant l’acte de pénitence est encore débattue au Sénat chilien. Bien que le projet de loi semble être signe d’avancée en matière de justice, il soulève tout de même un fort mécontentement au sein de l’institution catholique du pays.
La plupart des prêtres ne s’opposent pas à la loi les obligeant à signaler des abus sexuels, explique l’historien chilien et spécialiste de l’Église catholique, Marcial Sánchez Gaete. Selon lui, le problème réside plutôt dans le secret de la confession. L’institution catholique chilienne demande une exception à la loi afin que le sacrement de réconciliation demeure confidentiel de manière à obéir et suivre les instructions du pape, qui estime que ce qui est révélé par les croyants lors du pardon ne devrait pas être divulgué.
L’historien explique que le point de vue de l’Église ne semble pas faire le poids face au gouvernement; comme l’État est laïc depuis 1925, les avis des membres religieux ne peuvent pas concrètement renverser ou changer une loi. Professeur de théologie à l’Université Laval, Gilles Routhier estime d’ailleurs que l’Église est « largement discréditée actuellement » et n’a pas la force de freiner une telle loi.
La perte d’influence de l’Église chilienne
La Conférence épiscopale du Chili, qui regroupe tous les évêques du pays, « est l'une des pires institutions répertoriées dans les dernières enquêtes. Elle n'atteint pas 10% d'approbation », révèle M. Sanchez Gaete.
La perte de confiance envers l’Église s’explique selon lui en grande partie par la hausse de scandales ayant fait surface au pays dans les dernières années. Ceux-ci révèlent que des prêtres auraient non seulement refusé de dénoncer des abus, mais en auraient aussi commis. Marcial Sánchez Gaete affirme que ces membres du clergé sont protégés par des membres haut placés de l’institution catholique. D’ailleurs, 219 membres de l’Église chilienne ont fait l’objet d’enquêtes en 2019, accusés d’avoir commis ou dissimulé des agressions sexuelles sur près de soixante ans, d’après le quotidien chilien El Mercurio.
Une loi parallèle à un combat
Ce projet de loi est représentatif d’une certaine réforme selon l’historien, puisque même au-delà de la loi, la société chilienne se mobilise et exige un changement face aux inégalités grandissantes. « La religion est responsable de la violence systémique faite aux femmes », estime Claudia Santibanez, journaliste chilienne et activiste féministe ayant pris part au mouvement «Un violeur sur ton chemin », une performance féministe chantée et chorégraphiée née suite aux manifestations de 2019 au Chili.
Elle croit que le gouvernement doit prendre des mesures concrètes pour écouter les mouvements revendicateurs, mais que le projet de loi chilien n’ira pas assez loin; la constitution sera, selon elle, trop restrictive et ne permettra pas de changements suffisants. Les problèmes auxquels se heurte le Chili sont le reflet d’un enjeu mondial: « Il est important que tous les États dénoncent et protègent les femmes contre la violence systémique », estime-t-elle, parce que le cas du Chili est tout sauf local et isolé.
Photo par Édouard Desroches