Au Théâtre Aphasique de Montréal, depuis 25 ans, des personnes atteintes d’aphasie ont l’occasion de pratiquer l’art du jeu dans un lieu d’exception, tout en ayant pour objectif l’amélioration de leur capacité à communiquer.
Tous les mardis après-midi, à l’Hôpital de réadaptation Villa-Medica à Montréal, plusieurs personnes se retrouvent dans une pièce et commencent leurs échauffements vocaux. Ils enchaînent avec des exercices de mouvements et quelques improvisations. Sous la forme d’ateliers hebdomadaires ou par l’entremise d’une pièce de théâtre, des personnes atteintes d’aphasie explorent leurs possibilités communicationnelles tout en créant une communauté qui leur est propre.
Le théâtre aphasique, où le mot aphasie désigne la perte totale ou partielle du langage, permet la réadaptation à l’aide de l’art dramatique. L’acteur Richard Gaulin, animateur et metteur en scène au Théâtre Aphasique de Montréal, dirige les ateliers et la troupe de comédiens. Pour lui, l’importance de l’institution réside dans la reprise de confiance des participants : «Souvent, les gens abandonnent [la réadaptation à l’idée qu’ils ne puissent pas se faire comprendre] et la persévérance diminue. C’est donc spectaculaire pour une personne aphasique de jouer sur scène, puisque ça prend du courage de vouloir être vu en n’ayant plus les mêmes capacités qu’avant l’AVC.» L’animateur admet que de créer des ateliers adaptés à tous représente un défi, puisque les groupes sont formés d’individus avec des degrés d’aphasie différents, variant d’une capacité limitée de la parole à une restriction de la motricité globale.
La réadaptation par l’art dramatique, un modèle concrétisé
Le processus de réhabilitation par le jeu est utilisé ailleurs dans le monde. Au Massachusetts, par exemple, l’art-thérapie partage un objectif commun avec celui du théâtre aphasique, bien que la démarche diffère. Laura Wood, présidente de la North American Drama Therapy Association et professeure-assistante à l’Université Lesley, a mis sur pied un modèle concret d’étapes à suivre afin d’utiliser le théâtre comme instrument de réadaptation universel. Il s’agit d’un véritable mode d’emploi écrit et offert pour tous. Travaillant étroitement avec des orthophonistes du Département d’orthophonie de l’université, Mme Wood et ses collègues établissent non seulement «un but émotionnel à développer, mais aussi un but dans l’apprentissage du langage». Chaque phrase du scénario est écrite selon les difficultés particulières des acteurs, ce qui favorise l’amélioration de leurs capacités oratoires.
À l’Université Lesley comme au Théâtre Aphasique de Montréal, le cheminement favorise la naissance d’une communauté, en donnant la possibilité aux personnes atteintes d’aphasie d’user de leur créativité. Mme Wood affirme que c’est ce sentiment de «redonner à la société» qui donne une confiance renouvelée aux acteurs ainsi qu’à leurs proches. Il est ainsi possible d’observer une amélioration du vocabulaire et de la communication générale des participants, en plus d’une reconnaissance face à leurs apprentissages et à leur réussite. Les avancées théoriques de Mme Wood s’ajoutent aux progrès d’autres orthophonistes de l’Irlande à la France, en allant même jusqu’au Brésil.
Photo par Maude Bélair