Dans une communauté scientifique qui met l’accent sur les résultats et la quantité d’études publiées, l'intégrité en science semble de plus en plus être considérée comme facultative. À l’image de Giovanni Apollo, ce chef cuisinier s’étant inventé un passé de toute pièce et qui a été dénoncé en 2017, certaines personnes du milieu font usage de mensonges dans leurs études.
Les cas de données gonflées ou faussées sont flagrants dans divers domaines de la science. Prenons l’exemple de Carlo Spirli, ce professeur de Yale ayant faussé et manipulé des données pendant 15 ans avant de se faire prendre. Ce spécialiste de la médecine s’est vu accorder 1,2 million de dollars pour sa recherche par le gouvernement américain, selon un article de Retraction Watch.
Un autre domaine dont la réputation est entachée est celui du comportement humain. La chercheuse à Harvard Francesca Gino a récemment été dénoncée par le groupe Data colada, un groupe de trois chercheurs qui analyse les cas de fraudes scientifiques. Au comble de l’ironie, ses études se penchaient sur les avantages de la malhonnêteté dans le monde des affaires.
En 2011, le psychologue Diederik Stapel a été blâmé pour avoir créé et manipulé des données dans plus d’une cinquantaine d’articles. L’une de ses études, qui appuyait l’idée qu’un environnement sale poussait les gens à avoir plus de préjugés raciaux, a même été publiée dans la prestigieuse revue Science. Pourtant, cette recherche est complètement fausse et les lieux décrits n’existent pas.
Ces cas extrêmes ne reflètent pas la réalité de la majorité des recherches scientifiques. Ils montrent cependant la lacune du système actuel qui pousse les scientifiques à se transformer en machines à publier. Si des spécialistes sont prêts et prêtes à mentir durant plusieurs années, il est facile d’imaginer que des manipulations de données sont courantes parmi les scientifiques encore en début de carrière.
Mentir pour son profit
Mentir dans des publications scientifiques constitue une faute grave. Une fois qu’une fausse information se propage sur le web ou par le bouche-à-oreille, il est extrêmement difficile de la retirer ou de la modifier.
Ces mensonges constituent une forme de désinformation au sein de la communauté scientifique. Une personne se faisant prendre à commettre une telle faute reçoit des allégations de fraude ou de méconduite scientifique.
Pourquoi fausser des données d’une telle importance ? Faire de l’argent, gonfler son nombre de publications, toutes ces hypothèses sont valides. La recherche scientifique est un milieu compétitif où il est nécessaire de performer et de publier pour obtenir de la reconnaissance et du financement. Cette pression peut venir de ceux qui octroient les subventions, des gouvernements ou même des universités. Un tel système n’est tout simplement pas viable si l’on souhaite l’honnêteté et la véracité scientifique avant tout.
Il arrive fréquemment qu’une étude scientifique peine à tirer de réelles explications aux données qu’elle obtient. Le problème étant qu’une publication avec des résultats complexes et sans conclusion définie ne se démarquera pas et aura des chances moindres de paraître dans les grandes revues de ce monde.
Soyons clairs, ce mode de rémunération tient de la dystopie, et les exemples de fausses données qui se multiplient en sont la preuve manifeste. En aucun cas nos savants et savantes ne devraient avoir recours au mensonge pour assurer leur prospérité scientifique. Certes, pousser les scientifiques à publier moins d’études, quitte à ce qu’ils soient authentiques, pourrait ralentir le progrès, mais est-ce nécessairement une mauvaise chose ? Pour une fois, prenons notre temps et ne poussons pas la performance avant tout. L'intégrité et la qualité de la recherche en ressortiront sans aucun doute gagnantes.
Illustration : Camille Enara Pirón