Le Mexique a recensé 1006 féminicides en 2019, une hausse de 136% depuis 2015. Alors que ce nombre augmente au fil des années, l’inaction des autorités gouvernementales demeure et les femmes multiplient les manifestations pour se faire entendre.
Depuis le meurtre d’Ingrid Escamilla, une jeune femme de 25 ans qui a brutalement été poignardée par son copain, de nombreuses manifestations féministes ont eu lieu à différents endroits au Mexique, notamment lorsque des images particulièrement sanglantes du crime ont été diffusées.
Quelques jours après le meurtre violent d’Ingrid, un autre féminicide a choqué le Mexique; celui de la petite Fatima, 7 ans, qui s’est fait enlever le 11 février 2019, alors que sa mère devait aller la chercher à l’école. Quatre jours plus tard, son corps, recouvert de marques de violence, a été retrouvé à Tláhuac, au sud-est de la capitale mexicaine. La fillette a été abusée sexuellement et battue à mort. Seulement en janvier 2020, 73 féminicides ont été enregistrés au pays.
Pourquoi autant de violence au Mexique?
« Socialement, au Mexique, on trouve facile de considérer les femmes comme des choses matérielles », confie le consul général du Mexique à Montréal, Alejandro Estivill. Selon lui, la société et la culture mexicaine jouent un rôle dans cette violence que connaissent ces femmes. « C’est aussi une question de l’éducation que l’on donne », poursuit-il, remettant ainsi en question les enseignements que l’on offre aux enfants, dès leur jeune âge.
« Le manque de rigueur des autorités mexicaines vient également contribuer à la hausse des crimes contre les femmes puisqu’au final, très peu de meurtriers reçoivent des sentences », poursuit le diplomate. En effet, seulement 2% des meurtres se rendent devant un tribunal. Pour M. Estivill, l’impunité est une faiblesse du système de justice mexicain en entier, et donc une situation qui ne s’applique pas seulement aux féminicides. « L’impunité est un défi en général au Mexique, pas seulement pour les femmes. Nous avons une situation de sécurité difficile, explique-t-il, principalement en raison du marché des drogues et la quantité d’armes que les cartels possèdent. »
La journée sans femmes
Au lendemain du 8 mars, journée internationale des droits de la femme où plusieurs manifestations féministes ont eu lieu aux quatre coins du globe afin de dénoncer les inégalités que les femmes subissent, le Mexique a fait un appel à la grève: Une journée sans nous, Un Día sin Nosotras.
Cette journée avait pour objectif de dénoncer les injustices et le manque d’action des autorités, mais également de prouver que les femmes sont essentielles à l’économie et au bon fonctionnement du pays. Des femmes de partout au Mexique étaient donc invitées à ne pas aller travailler, ni même sortir de chez elles, en plus de ne rien publier sur les réseaux sociaux, afin de briller par leur absence.
« Dans mon pays, il y a de plus en plus de féminicides chaque jour et ces actes ont un impact sur notre vie quotidienne », explique l’administratrice du groupe Facebook Un Día sin Nosotras, Yochabel Anahy Díaz Rojas. « Les femmes subissent des violences physiques de la part de leur mari et les autorités ne veulent pas le reconnaître », confie-t-elle. Pour Yochabel, ce mouvement est une manière d’exiger la justice non seulement pour les Mexicaines, mais pour toutes les femmes.
Du même avis, M. Estivill avance qu’il est impératif de « changer la situation sociale générale » pour le bien-être de toutes ces femmes.
Photo par Benjamin Richer