De nombreux et nombreuses propriétaires des sentō, les bains publics au Japon, ont été contraintes de fermer leurs établissements en raison de la pandémie, qui est venue accentuer leur diminution au sein de la société japonaise. Toutefois, ils et elles se sont adaptées à la modernisation et vivent présentement un renouveau.
Au début, les bains publics étaient nécessaires à l’hygiène des Japonais et Japonaises. Aujourd’hui, ils contribuent encore à leur bien-être.
Une tradition en déclin, mais pas perdue
Sachiyo Kanzaki, professeure de langue et de culture japonaise à l’Université du Québec à Montréal, s’oppose fermement à la notion de perte de tradition lorsqu’on se réfère à la diminution des sentō. « On ne peut pas dire que c’est une perte. On peut parler de changement culturel, explique-t-elle. Lorsque les sentō sont apparus, il n’y avait pas de bains dans chaque maison. La diminution des sentō est donc en lien avec le taux des maisons qui ont [maintenant des bains].»
Stéphanie Crohin Kishigami, autrice du livre Sentō, l’art des bains japonais et ambassadrice officielle des sentō au Japon, explique qu’à leur apogée dans les années 60, on en comptait 2700 à Tokyo et, aujourd’hui, on en compte autour de 500.
« La pandémie a affecté les sentō parce qu’il y a un an à peu près, le gouvernement japonais a demandé de faire un [confinement]. [...] Beaucoup de gens ne sortaient plus. Les sentō ont connu un déficit énorme et les propriétaires se sont retrouvés dans l’incapacité de rentrer dans leurs frais », ajoute-t-elle.
Cette diminution s’explique toutefois par plusieurs autres raisons. L’autrice estime qu’il y a en moyenne 40 bains publics qui ferment par an en raison des coûts et du travail exigeant liés à leur entretien. Elle soulève aussi que, souvent, personne ne peut prendre la relève. Les propriétaires vont décider de vendre leur terrain pour assurer l’avenir de leurs enfants.
Le maintien d’une tradition par le renouveau
Aujourd’hui, les personnes qui en ont le plus besoin utilisent encore les sentō, préservant ce pan de la culture japonaise. Pour les personnes âgées vivant seules dans des appartements froids, ces endroits sont prioritaires pour prendre leur bain en sécurité et au chaud.
La connexion humaine est au cœur de la culture des sentō. Comme l’explique Sachiyo Kanzaki, « c’est un peu comme dans un village. »
En plus d’avoir un côté communautaire qui veille à la « santé du cœur », comme le mentionne Stéphanie Crohin Kishigami, les sentō ont une qualité artistique importante.
Cette tradition est encore aimée par plusieurs et l’ambassadrice se fait une joie de la partager. « Ils sont assez médiatisés et à la mode. Ce n’est pas rare maintenant d’entendre des jeunes qui vont au sentō pour leur bien-être », se réjouit-elle. Ce n’était pas le cas lorsqu’elle est arrivée au Japon en 2008.
La spécialiste a aussi souligné le mouvement d’inclusivité corporelle que permettent les bains publics: « Au sentō, on est nu et on oublie ses complexes parce qu’on est dans un contexte où on voit qu’il y a plein de corps, que tous les corps sont normaux, que chacun est comme il est ».
Elle soulève qu’il y a de plus en plus de jeunes qui fréquentent les sentō et qui veulent s’en occuper. Leur diminution n’annoncerait donc pas inévitablement une perte de tradition, mais plutôt un changement culturel.
Illustration de l'article: Florence Beaudoin
Photos des bains fournies par Stéphanie Crohin Kishigami