Accroître la visibilité de la communauté transgenre indienne dans l’espace public : voilà l’objectif du Aravani Art Project, un collectif d’artistes qui colore les rues de l’Inde depuis 2016.
C’est en collaborant sur un documentaire portant sur les personnes transgenres que la fondatrice du Aravani Art Project, Poornima Sukumar, a vu le besoin criant de cette communauté d’être entendue. « Lorsque le documentaire fut terminé, après 3 ans, j’ai senti le besoin de continuer à m’associer à eux, dit-elle. Le manque de sensibilisation du public face à leurs enjeux propres rendait leur intégration en société difficile. »
Pour y parvenir, l'organisme préconise l’art public. Il peut s’agir de murales, d’installations textiles ou encore de grands objets, pour capter l’attention des passants et passantes des artères les plus achalandées du pays, et éventuellement pour les sensibiliser. L’objectif est aussi d’inciter les personnes LGBTQ+ à échanger dans un espace sécuritaire et ouvert.
Ainsi, une brigade d’artistes transgenres, non-binaires et queers, comme Poornima Sukumar, tentent d’effacer les étiquettes qui leur sont accolées. La fondatrice du Aravani Art Project donne en exemple le stéréotype d’une communauté LGBTQ+ qui mendit ou qui œuvre dans le travail du sexe, ce qui peutt accentuer le stigma autour des personnes qui en font partie.
En Inde, 4 personnes transgenres sur 10 sont victimes de violence sexuelle avant d’atteindre 18 ans, selon une étude menée par un Centre de ressources en santé publique indien. Les personnes de 11 à 15 ans sont les plus vulnérables.
« C'est principalement dans la rue que la communauté est victime de violence, de harcèlement et de négligence », insiste Poornima Sukumar. Les œuvres créées par l’organisme représentent en général des membres de la communauté et leurs valeurs, afin de sensibiliser le public aux enjeux auxquels fait face la communauté LGBTQ+.
L’art pour briser les codes
« Les gens devraient arrêter de se mettre dans des boîtes de genre binaires », affirme la directrice artistique du mouvement, Sadhna Prasad. Selon elle, les murales « aident à transcender la question du genre », tout en mettant de l’avant le travail de l’artiste, et non son genre.
« Nous avons vu [les membres du collectif] commencer à gagner confiance en eux, et c’est ce qui, à mon avis, compte le plus », confirme Mme Sukumar.
L’organisme a réalisé 500 projets impliquant des personnes transgenres, non-binaires et queer, et a trouvé des dizaines d'emplois pour celles-ci, confie-t-elle. Grâce à elle, une communauté soudée à travers le pays est née.
Le collectif a réalisé une grande murale à Bombay en février et se prépare à la foire d’art annuelle de Delhi, qui se déroulera à la fin du mois d’avril 2022. Alors que la popularité de l’organisme croît, l’ouverture de la population par rapport à ces questions augmente tout autant, croit sa fondatrice.
Photo : Victoria Boisclair