Le 7 juin 2020, un projet de loi sur la protection des enfants et des personnes adolescentes a été approuvé par le gouvernement iranien. Si cette loi les protège contre les violences physiques, les abus sexuels et les obstacles à l’accès à l’éducation, elle jette cependant un voile sur de nombreux enjeux propres à la jeunesse iranienne.
Une loi pour protéger les jeunes était attendue depuis longtemps, puisque l’Iran a ratifié la convention relative aux droits des enfants en 1994. Cette nouvelle législation reconnaît presque toutes les violences physiques ; l'article 7 prévoit même des sanctions si l’accès à l’éducation n’est pas garanti par le parent ou le tuteur. Bien avant le régime islamique actuel, de grandes avancées ont été faites en éducation, qui est grandement valorisée par la société iranienne. L’école est gratuite, et le taux brut de scolarisation secondaire (12-17 ans) atteignait 86,3 % en 2017, d’après l’Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture. Thomas (nom fictif), un psychologue iranien qui a accepté de parler sous le couvert de l’anonymat, précise qu’aborder l’abus sexuel, sujet tabou en Iran, est un bon début pour le régime.
La condition des enfants est un sujet tendu. Comme Thomas, certains ressortissants d’origine iranienne contactés par L’Apostrophe étaient inquiets de témoigner, notamment pour leur sécurité, puisqu’ils se rendent toujours en Iran.
Un impact limité
Bien que la loi semble pouvoir améliorer certains aspects de la condition des enfants, il reste à savoir si elle sera bien appliquée. D’autres problèmes en Iran peuvent survenir, et ce même si des législations les régissent. On notera, par exemple, que l’âge minimal du mariage est établi à 13 ans pour les filles et à 15 ans pour les garçons. Ce chiffre peut aller en deçà de cet âge quand on considère que 6% des filles sont mariées entre 10 et 14 ans, selon des données du Center for Human Rights in Iran (CHRI). L’Iran compte près de 81 millions d’habitants dont les idéologies et la culture peuvent entrer en conflit avec les lois, selon les experts et expertes interrogées par L’Apostrophe.
Il faut aussi noter que la corruption est bien présente en Iran. David Zahedi, ressortissant iranien en Allemagne, spécifie que le système qui fait respecter la loi n’est pas très fort. Selon Hanieh Ziaei, sociologue et politologue attachée à la chaire Raoul-Dandurand, cette nouvelle loi peut avoir un impact positif, mais ne pourra pas, à elle seule, régler le problème de violence, davantage causé par la frustration sociale et économique et le patriarcat que par l’absence de législation.
Ce qui se cache derrière la loi
Le nouveau décret semble comporter d’importantes lacunes. La condition des enfants n’étant pas une priorité pour le régime, la loi est plutôt « un outil hautement stratégique » pour se déresponsabiliser et séduire la population iranienne qui perd confiance en l'État, explique Hanieh Ziaei. Voilà pourquoi la proposition omet, entre autres, le mariage précoce, le travail des enfants, la peine de mort ou encore les violences psychologiques. Certes, des mesures existent pour régir ces pratiques, mais elles rencontrent des faiblesses si on tient compte de la persistance de ces enjeux.
Le mariage précoce, surtout présent dans les régions rurales, expose les enfants à des risques de violences, de problèmes de santé, de maternité en bas âge et de déscolarisation. Le travail des enfants est contraint à des règles l’interdisant avant l’âge de 15 ans. Malgré cela, il y aurait trois à sept millions d’enfants travaillant en Iran, toujours selon le CHRI.
Concernant la peine de mort, l’Iran situe l’âge de responsabilité criminelle à 9 ans pour les filles et à 15 ans pour les garçons. Une personne mineure peut être condamnée si elle est jugée assez mature pour comprendre la gravité de son geste.
Selon Violaine Dasseville, psychologue et art-thérapeutre travaillant à Montréal, la peine de mort ne devrait pas être appliquée aux mineurs: pour eux, « c’est beaucoup trop complexe, ce que ça implique. [...] » Un enfant de 9 ans peut comprendre ce qu’est un délit, mais pas la raison pour laquelle c’en est un, explique-t-elle. Le recours à un avocat, les enquêtes, les interrogatoires ainsi que les méthodes pour déterminer la maturité ne sont pas toujours adéquats dans le système de justice iranien. « En Iran, la loi n’est pas garante de protection», rappelle Hanieh Ziaei.
Plusieurs problématiques concernant la condition des enfants en Iran sont difficilement applicables par la législation. David Zahedi et Hanieh Ziaei pensent que la sensibilisation vers des changements sociaux pourrait éventuellement avoir des impacts plus importants qu’une loi. Celle-ci demeure un bon début, mais la condition des enfants en Iran est loin d’être optimale et nécessite encore beaucoup d'attention. À présent, les différentes organisations internationales peuvent travailler à informer la population de leurs nouveaux droits.
Illustration par Malika Alaoui