La violente arrestation menant au meurtre de George Floyd, le 25 mai 2020, a chamboulé le monde entier. Plusieurs athlètes, dont Lebron James et Naomi Osaka, ont récemment pris position en faveur du mouvement Black Lives Matter (Les vies noires comptent) dans le débat entourant le racisme systémique et la brutalité policière. Dans la foulée, de nombreuses ligues majeures ont aussi suspendu et reporté divers matchs.
« Le mouvement Black Lives Matter (BLM) naît d’une initiative citoyenne. C’est la nécessité de dire, dénoncer, clamer, hurler que les Noirs sont en danger de mort, partout et tout le temps, quel que soit leur âge », a déclaré en entrevue la triple championne du monde de boxe amateur, autrice et activiste, Aya Cissoko.
S’agenouiller avant le début des parties, afficher sur les maillots des messages favorables au mouvement BLM et crier des slogans antiracistes sont quelques-unes des nombreuses façons d’exprimer son appui aux communautés noires qui ont été reprises sur le continent européen.
« Le racisme est encore très présent dans le monde du soccer. On n’a qu’à penser à Mario Balotelli, qui est régulièrement victime de racisme de la part même des spectateurs », souligne le joueur du club-école du FC Barcelone, Pedro Gavino.
Pour ces raisons, de nombreuses équipes féminines de soccer ont trouvé juste de mettre un genou au sol en début de partie, comme l’avait fait le joueur de football américain Colin Kaepernick en 2016. Les joueuses des ligues de soccer américaines et britanniques ont notamment rendu hommage aux victimes de racisme systémique lors de l’ouverture de leur saison l’été dernier.
Plus récemment, en septembre, les athlètes de l’équipe nationale de soccer de la Suède se sont aussi agenouillées avant d’entamer leur partie qualificative contre la Hongrie dans le cadre de l’Euro féminin. Ce geste leur a valu de nombreuses critiques sur les réseaux sociaux, dont plusieurs du joueur de hockey suédois Sofia Reideborn. Ce dernier a dit craindre que cet appui au mouvement BLM de l’équipe suédoise ne leur coûte des spectateurs et spectatrices, ce qui affecterait la notoriété du soccer féminin. Il a accusé les joueuses de faire preuve d’insouciance à l’égard des nouvelles générations qui espèrent avoir un futur dans le soccer féminin.
« S’agenouiller n’a pas été une décision difficile pour nous. Nous sommes certaines de nos croyances et des valeurs que nous défendons. Hier, nous nous sommes agenouillées pour montrer que nous sommes contre le racisme et la discrimination sous toutes ses formes », a répliqué la joueuse suédoise Magdalena Erikson au lendemain des évènements sur les réseaux sociaux.
Le soccer féminin en pleine croissance
Par ailleurs, les médias témoignent d’une montée en popularité internationale pour le soccer féminin.
En effet, la Coupe du Monde de soccer féminin a battu des records d’audience avec plus d’un milliard de téléspectateurs et de téléspectatrices à travers le globe.
Les professionnelles du ballon rond espèrent profiter de ce momentum afin de négocier et d’obtenir auprès de leur fédération respective une équité salariale.
L’ancien cadre du Comité international olympique et professeur à l’Université de Lausanne, Jean-Loup Chappelet, croit que l’implication des athlètes féminines dans les mouvements sociaux aurait le potentiel d’accroître la reconnaissance de leur discipline. « Les athlètes féminines montrent que le sport concerne tout le monde : femmes et hommes, jeunes et plus âgés », suggère le professeur universitaire, qui pense qu’une telle représentation pourrait rejoindre davantage d’adeptes.
Un moment et un lieu pour manifester
Lorsqu’il s’agit de protestation sportive, il n’est pas rare d’entendre des commentaires comme ceux de Reideborn. D’ailleurs, la Charte olympique elle-même interdit toutes formes de manifestations politiques sur le terrain. M. Chappelet défend ce règlement en justifiant que le sport se doit de rester un terrain neutre, pacifique et libre d’opinions politiques. Il soutient que les athlètes sont toutefois libres d’utiliser leur plateforme pour s’exprimer.
Aya Cissoko s’oppose à cette déclaration. « Dans l’histoire, les luttes ont progressé parce que des sportifs et des sportives ont osé transgresser les règles existantes », rappelle l’athlète française.
« Le foot, c’est une manière efficace de faire passer son message parce qu’il est diffusé à des millions de personnes en même temps », appuie Pedro Gavino. « Ces problèmes doivent ultimement se rendre dans les parlements et tribunaux, où la vraie bataille pour l’égalité sera menée ».
« Quand les sportifs endossent ce rôle, c’est que c’est aussi l’échec du politique », reproche Cissoko, qui espère de véritables changements politiques et rappelle que pour les athlètes noirs.es, il s’agit d’une question de vie ou de mort.
Photo par Malika Alaoui