En septembre dernier, le festival de musique électronique ougandais Nyege Nyege offrant une visibilité aux artistes queer a eu lieu malgré les pressions du gouvernement pour l’annuler.
Nyege Nyege est le plus grand festival de musique électronique en Afrique de l’Est. Chaque année, il accueille plus de 10 000 festivaliers. Il a lieu la troisième semaine de septembre dans une forêt tropicale au bord de la rivière Nil. Fondé en 2015 par Derek Debru et Arlen Dilsizian, le festival est né des fêtes électroniques de Kampala, la capitale et plus grande ville de l’Ouganda. Le festival de cette année a pu avoir lieu mais seulement sous plusieurs conditions du gouvernement, raconte Arlen Dilsizian, le cofondateur du festival dans son entrevue avec The New York Times.
Avec plus de 300 artistes nationaux et internationaux, le festival accueille surtout des artistes ougandais ouvertement queer et féministes comme le collectif musical ANTI-MASS. Ce groupe revendique plus de visibilité pour les artistes queer, les femmes et les minorités, le tout dans le climat répressif imposé par le gouvernement ougandais.
En 2014, ce dernier a voté une loi anti-homosexuels qui a été annulée par la cour sept mois plus tard. Il reste tout de même des lois discriminatoires envers les personnes queer dans le Code criminel. Par exemple, la loi sur les « rapports sexuels contre nature » peut amener à ceux et celles qui y contreviennent une peine maximale de prison à vie, racontait le membre du groupe ANTI-MASS Authentically Plastic dans une entrevue avec le magazine New Frame. L’artiste dénonçait également les descentes de la police qui ont lieu systématiquement contre les établissements, les événements et les festivals de la communauté LGBTQ+ en Ouganda.
Indécisions, contradictions et discrimination
Le 6 septembre 2020, à quelques jours du festival, le parlement de l'Ouganda a publié sur Twitter la déclaration de Sarah Achieng Opendi, la ministre d'État de la Santé pour les fonctions générales. Cette dernière affirmait que le festival Nyege Nyege est « un endroit propice à l'immoralité sexuelle ». Une semaine plus tard, la première ministre Robinah Nabbanja reconnaissait les bienfaits touristiques et économiques du festival sur l'Ouganda, rapportait le quotidien The East African.
Malgré tous les défis auxquels elle fait face, la communauté LGBTQ+ continue d’être célébrée publiquement.
L’organisme Queer Youth Uganda organise des marches de la fierté, des festivals et des événements destinés à la communauté. Né à Kampala en 2006, il fournit un soutien psychologique, social et médical aux membres de la communauté de quatre régions ougandaises. Selon le fondateur de l’organisme Opio Sam Leticia : « être un artiste queer est très difficile dans une société homophobe. Tout repose sur l’aide des alliés. » Lissa Janet, directrice des communications à Queer Youth Uganda a souligné que le festival Nyege Nyege n’a fait aucune entente avec l’organisme, mais l’aide tout de même à prospérer.
La célébration comme élément culturel
Moses Ssentongo raconte que dans ce pays au centre du continent africain « la période estivale dure toute l’année et les festivités y sont exercées en conséquence. Les célébrations sont quotidiennes tout comme la danse et la musique.» Les gens veulent faire la fête et peu importe leurs moyens, ils vont la faire, que ce soit au Nyege Nyege ou dans une boîte de nuit au coin de la rue. Les mêmes préjugés homophobes sont véhiculés dans ces circonstances.
Arlen Dilsizian a réussi à négocier la tenue du festival sous plusieurs conditions : interdiction de la nudité, du langage vulgaire et des gestes grossiers. Le futur du festival dépend d’une négociation annuelle entre les organisateurs et le gouvernement.
Illustration: Bettie Desjardins