L’argent est le nerf de la guerre: un dicton qui résonne fort dans les couloirs et sur les courts de tennis professionnel, tant la majorité des joueurs et joueuses du circuit ATP (Association of tennis professionals) et WTA (Women’s tennis association) ont du mal à pouvoir vivre de leur profession.
Longtemps considéré comme un sport de dandy, le tennis fait l’objet de discussions d’un autre genre depuis quelques années : la pauvreté. Car même si les tournois du Grand Chelem ont une dotation de plusieurs dizaines de millions de dollars, être « joueur de tennis professionnel […] demande […] un grand sacrifice financier », souligne la directrice des communications chez Tennis Canada, Valérie Tétreault.
En effet, un grand nombre de joueurs professionnels éprouvent des difficultés à vivre de leur métier. « Du temps où je jouais, j’estimais qu’il fallait être dans le Top 50-75 sur le circuit féminin pour bien vivre de son sport », se remémore Mme Tétreault. Près de 10 ans après que la native de Saint-Jean-sur-Richelieu ait rangé sa raquette, le constat demeure le même.
Un sport individuel et onéreux
Obligés de sillonner les cinq continents pour pratiquer leur métier, les joueurs de tennis font face à de nombreuses dépenses très tôt dans leur carrière. Cette situation oblige souvent ces joueurs à prendre des décisions difficiles qui vont à l’encontre de leur objectif, et ce, dès leur phase de transition entre le circuit junior et professionnel.
« Bien souvent, pendant cette période, la bourse que tu reçois en tournoi n’est pas suffisante pour couvrir les dépenses encourues », renchérit l’ancienne joueuse de tennis. Voyager seul plutôt qu’accompagné d’un entraîneur ou encore choisir les tournois auxquels participer dépendamment des vols les moins chers sont des concessions qu’un joueur peut devoir faire. Ces dernières ne sont toutefois pas idéales pour le développement d’un athlète, selon Mme Tétreault. Et pour cause, la majorité des tournois n’ont pas de dotation conséquente une fois que l’on quitte les tournois de l’ATP (Master 1000, ATP 500, ATP 250) et les quatre Grands Chelems, notamment. En effet, le prix en argent d’un tournoi Challenger (deuxième division pro), dont les principaux protagonistes sont les joueurs hors du top 50 mondial, est inférieur à 170 000 dollars US. À titre d’exemple, le Challenger de Granby a une bourse de 81 240 dollars américains et le vainqueur reçoit 10 800 dollars américains.
Un rééquilibrage du rapport de forces
En attendant que de meilleures solutions soient trouvées pour que le tennis devienne réellement prestigieux pour tous les professionnels, les joueurs essaient de se doter d’un syndicat puissant pour défendre leurs droits. « Il y a certainement de bonnes conversations au sein du Conseil des joueurs, particulièrement au sein du Conseil des joueurs de l’ATP », analyse Valérie Tétreault.
Président du Conseil des joueurs, Novak Djokovic s’est démarqué ces dernières années pour secouer le cocotier du patronat afin que les dotations soient distribuées de façon à ce que les joueurs qui n’ont pas la chance d’aller plus loin dans les tournois n’aient pas un bilan financier déficitaire au terme de la saison.
Le trio d’ogre masculin [Djokovic, Nadal et Federer] — qui cumule en bourse plus de 373 millions de dollars en carrière [57 des 65 Grand Chelem à leur actif depuis 2004, dont les 15 derniers] — espère peser de tout son poids dans les négociations futures, avait laissé entendre Nadal pour son retour au sein du Conseil des joueurs l’été dernier durant la Coupe Rogers.
L’arbre qui cache la forêt
Depuis 2007, la parité salariale est une réalité dans le monde du tennis pour les compétitions majeures, mais cela ne représente pas la réalité. « La différence entre les bourses des hommes et des femmes continue de grimper », souligne-t-elle. En cause, « le revenu engendré par les droits de télé. C’est pourquoi on voit de plus en plus d’efforts de la WTA pour mieux marketer le tennis féminin et se rebâtir une plus grande fan base ».
En raison de la pandémie de la COVID-19, tous les courts de tennis, à l’instar de toutes les arènes sportives de la planète, sonnent creux. Si cette pandémie mondiale n’avait pas contraint le monde à fonctionner au ralenti, la saison de tennis serait animée par plus d’une centaine de tournois tant chez les hommes que chez les femmes, étalés sur l’année à travers le monde. De nombreux tournois qui impliquent également des dépenses pour des professionnels en difficulté financière, mais dont l’amour de jeu reste encore intact.
Photo par Alizée Balleux