Le 30 septembre dernier, le tandem derrière la marque française Coperni, Sébastien Meyer et Arnaud Vaillant, envoyait la mannequin Bella Hadid sur la passerelle pour la final de leur défilé présenté au musée des Arts et Métiers de Paris. Vêtue d’une culotte beige, l’icône américaine est restée immobile pendant de longues minutes alors qu’un trio de chimistes aspergeait son corps d’une matière blanche. Quelques instants plus tard, la jeune femme arborait une robe de soirée.
Bien qu’elle soit apparue de manière presque instantanée, la robe de Coperni représente l’aboutissement de deux décennies de travail. Manuel Torres, son créateur, expérimente avec la substance utilisée sur Hadid depuis 2003. Baptisée Fabrican (une contraction de fabric in a can), elle est composée d’une suspension de polymères liquide – une chaîne de petites molécules identiques – et se transforme en un matériau solide lorsqu’elle entre en contact avec l’air. Inspiré par la ficelle et la toile d’araignée, Torres souhaitait créer un tissu vaporisable à partir d’une bombe aérosol qui saurait adhérer au corps comme une seconde peau, tout en gardant l’apparence d’un vêtement extensible.
Si cette création semble tout droit sortie du futur, elle est loin d’être unique en son genre. Filippo Fanini, créateur de mode durable et professeur au Département de design à Polimoda, une école de mode privée à Florence, en Italie, est d’avis que le futur de sa profession se trouve dans les nouvelles technologies. Depuis 2010, il présente des collections de vêtements fabriqués à partir d’un alliage de textiles recyclés grâce à un procédé breveté. « La base de notre marque est la circularité », explique-t-il.
L’objectif de sa maison est de récupérer les retailles et de leur donner une seconde vie. « Nous achetons les restes de tissus de diverses compagnies pour créer une nouvelle matière que nous commercialisons sous la bannière Edmos », précise-t-il. À ce jour, Fanini a présenté quatre collections de prêt-à-porter entièrement créées avec cet alliage de matériaux récupérés.
Tout se transforme
D’autres compagnies vont même jusqu’à concevoir de nouveaux textiles. Chez Werewool, une équipe de scientifiques développe des fibres en ayant recours à la modification de matériaux vivants. Chui-Lian Lee, cofondatrice et PDG de cette société new-yorkaise, aimerait que ses recherches aident à contrer la crise climatique. « Les teintures, les revêtements et les processus de finition utilisés pour confectionner nos vêtements sont souvent toxiques et nécessitent beaucoup d'eau et de produits chimiques », observe-t-elle. « Notre objectif est de résoudre ce problème de manière naturelle en incorporant les caractéristiques souhaitées directement dans l'ADN du tissu ». À cette fin, Werewool fait des expérimentations avec les protéines présentes dans le corail, les méduses, les huîtres et le lait de vache pour créer une fibre naturellement biodégradable. « Un prototype de vêtement en laine Werewool devrait être confectionné d’ici 3 à 5 ans », conclut Lee.
Qu’il soit question de vêtements vaporisés, d’habits recyclés ou de parures compostables, il ne fait aucun doute que l’avenir de la mode se situe à la confluence de l’art et de la science.
Illustration: Naïla Kitiara Houde