Générer une couverture internet à l’échelle mondiale moyennant l’usage de 42 000 satellites, c’est le but que s’est donné Elon Musk, fondateur de Space Exploration Technologies Corporation (SpaceX). Cependant, l’excitation n’est pas généralisée.
La connectivité est devenue primordiale au bon fonctionnement des industries et des zones peu peuplées, non desservies à ce jour. Selon le professeur de génie informatique à l’École Polytechnique de Montréal Giovanni Beltrame, « le service Internet nous permet de nous intégrer avec la société, et est donc devenu essentiel. »
En décembre 2019, l'Union of Concerned Scientists comptait 2 218 satellites actifs en orbite autour de la Terre. L’ajout de Starlink aura pour effet de multiplier ce total par 19. Depuis janvier, deux autres lancements sont déjà venus grossir la mégacontellation. Programmés pour recalculer leur position, ces satellites conservent la constellation en variant leurs trajectoires de manière autonome.
M. Beltrame anticipe l’apparition de plusieurs problèmes encore inconnus puisqu’une flotte de cette envergure n’a jamais été opérée auparavant. Il donne en exemple la surabondance de satellites qui entraînera plus de risques de collision et donc, la formation de débris. Aussi petits soient-ils, lorsqu’un de ces débris rencontre un satellite, ces derniers peuvent gravement l’endommager et engendrer de grandes pertes économiques et matérielles.
La crainte d’un ciel aveuglant
D’autres compagnies, comme OneWeb, s’intéressent à l’exploitation de mégaconstellations. Face à cet engouement, les astronomes craignent que l’observation de l’espace soit compromise. « Il y a ici un problème assez sérieux pour le futur de l’astronomie, et pour l’instant il n’y a pas véritablement de solution », s’inquiète l’astrophysicien et directeur exécutif du télescope de l’Observatoire du Mont-Mégantic, Robert Lamontagne.
La multiplication des satellites et de leur réflectivité décuple les sources de lumière dans l’espace. Le discernement entre ces étoiles artificielles et les naturelles se complique. Robert Lamontagne explique que « l’astronomie se fait en grande partie par des clichés photographiques de longues expositions [et qu’un satellite se déplaçant dans le ciel] crée une traînée lumineuse dans l’image et nuit aux observations. »
Conscient de la problématique, Elon Musk propose un satellite « expérimental ». Pour réduire sa luminosité, ses façades faisant face à la Terre sont peintes de noir. Toutefois, Robert Lamontagne est sceptique quant à l’initiative : il mentionne la réflexivité inévitable des panneaux solaires, le nombre important de satellites et les ondes émises par ceux-ci. Par exemple, les radiotélescopes sont des instruments d’observation astronomique mesurant la longueur des ondes radio. Étant donné que les milliers de satellites qu’escompte lancer SpaceX transmettent les informations obtenues par ces ondes, les images recueillies par ces télescopes seront assurément brouillées.
Robert Lamontagne salue néanmoins les intentions derrière le projet de SpaceX et espère que d’autres solutions seront trouvées pour mitiger les incidences néfastes des mégaconstellations sur l’astronomie.
Photo par Benjamin Richer