La doctrine America First de Donald Trump a bouleversé la politique étrangère des États-Unis et, à l’instar de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) qui devra se passer de contribution américaine, la Station spatiale internationale (SSI) pourrait être victime de cette nouvelle stratégie de désengagement.
Le futur du projet aérospatial, véritable symbole de coopération internationale de par la participation de la Russie, du Brésil ou encore du Japon, semble plus incertain que jamais depuis l’annonce du président américain, en février 2018, de vouloir cesser son financement d’ici 2025.
« La collaboration n’est pas un mot qui est dans le vocabulaire de Donald Trump », confirme Nathalie Ouellette, astrophysicienne et vulgarisatrice canadienne. Les États-Unis ont des ressources limitées, donc pourquoi les mettre dans une collaboration internationale quand on pourrait plutôt les mettre dans une compétition où on est les premiers à retourner sur la Lune ou à aller sur Mars ? », ajoute-t-elle.
Ce retour à une dynamique compétitive n’est pas anodin puisque la perspective de l’exploitation des ressources extraterrestres, notamment minières, paraît de plus en plus envisageable aux yeux des superpuissances mondiales, mais aussi des compagnies américaines. En effet, en 2015, l’administration Obama a donné le feu vert aux entreprises qui désirent exploiter des ressources minières extraterrestres.
La menace que représentent les ambitions de la Chine pour le leadership américain dans l’espace explique également cette tendance. « C’est la politique américaine via sa compétition avec la Chine qui mène l’exploration spatiale », explique l’astronome français Valéry Lainey, qui précise que cette course à la Lune n’intéresse pas forcément tout le monde. « La conquête spatiale n’est pas quelque chose qui est vu de façon très positive en Europe, je pense qu’on est culturellement en retrait par rapport à ça ».
Privatisation en vue?
Qu’adviendra-t-il alors de la SSI? Les États-Unis, qui avaient jusqu’alors assumé environ deux tiers des investissements de la station, soit quelque 100 milliards de dollars, semblent maintenant privilégier le transfert de leurs opérations à des entreprises privées. Le gouvernement américain a d’ailleurs accordé 150 millions de dollars dans son budget pour l’année 2019 à la mise en place de partenariats commerciaux pour assurer la présence humaine à bord de la station dans les prochaines années.
Une privatisation de la station porterait une dimension symbolique et marquerait la fin d’un projet fédérateur, résistant aux tensions géopolitiques.
« La SSI a un mandat au-delà de la science, un mandat presque philosophique », soutient Nathalie Ouellette. Cependant, ce scénario semble bien se concrétiser, notamment par le recours croissant à la sous-traitance de contrats de réapprovisionnement à des entreprises comme SpaceX, ou encore la livraison par la compagnie Axiom Space d’un module commercial habitable à bord de la SSI prévue pour 2024. Les cartes pourraient cependant être rebattues avec l’arrivée prochaine de Joe Biden à la Maison-Blanche.
Illustration par Laetitia Arnaud-Sicari