C’est à près de trois kilomètres au-dessus du niveau de la mer que peuvent se retrouver les monstres: ces denses nuages de poussière pouvant s’étaler sur plus de deux millions de kilomètres carrés, qui traversent l’océan du Sahara vers les plages des Caraïbes.
Ces quantités impressionnantes de poussière traversent l’Atlantique à longueur d’année, mais sont plus fréquentes pendant les saisons chaudes, puisque la chaleur assèche la poussière dans le Sahara, la rendant ainsi plus légère et facile à transporter.
C’est le 13 juin 2020 qu’a débuté la formation d’un des plus denses nuages de poussière jamais observés, baptisé Godzilla. « Une circulation anormale de l’air dans les latitudes moyennes a causé le développement d’un système de haute pression dans l’ouest saharien », explique Earle Williams, professeur de météorologie physique atmosphérique au Massachusetts Institute of Technology.
Les vents, plus forts qu’à l’ordinaire, ont transporté la poussière à une altitude anormalement élevée, soit à près de six kilomètres de hauteur. Le nuage a alors été capté par le courant-jet africain d’Est, particulièrement fort en 2020. « Ces vents irréguliers ont soufflé dans le désert pendant quatre jours et ont soulevé une quantité inimaginable de poussière », déclare M. Williams.
Cercle vicieux climatique
La communauté scientifique peine à arriver à un consensus sur les liens entre les nuages de poussière et les changements climatiques. La théorie la plus répandue, selon Nilton Renno, professeur au programme de sciences climatiques, de l’espace et du génie à l’Université du Michigan à Ann Arbor, est celle expliquant l’existence d’un cercle vicieux liant les poussières du Sahara aux couches de glace des pôles.
Un climat plus chaud assècherait le Sahara, ce qui augmenterait la quantité de poussière qui traverse l’océan chaque saison, mais de façon plus importante pendant les saisons chaudes. Une partie de cette poussière terminerait son trajet dans les pôles et s’installerait sur la glace qui y réside.
« Normalement, la glace réfléchit une importante portion de la lumière du soleil. Avec la poussière qui tombe dessus, la chaleur est plus facilement absorbée et cela accélère la fonte des glaces », indique M. Williams. La diminution de la quantité de glace contribue à son tour au réchauffement du climat, qui lui assèche encore plus le Sahara, et le cercle vicieux reprend.
Des tempêtes de poussières bénéfiques
D’autre part, les avantages des nuages de poussière ne peuvent pas être mesurés tant ils sont importants. Les grandes quantités de fer et de phosphore présentes dans la poussière agissent comme fertilisant pour les récoltes de l’hémisphère Nord et pour les plantes d’Amazonie, en plus de nourrir le phytoplancton dans les océans.
« Sans les minéraux qui leur sont procurés par les nuages de poussière, il serait quasiment impossible pour les forêts tropicales de trouver assez de nourriture pour assurer leur survie », indique Nilton Renno.
Les nuages de poussière ont aussi pour effet de tempérer les tempêtes tropicales dans l’Atlantique, ce qui protège les populations côtières américaines et caribéennes des événements climatiques extrêmes comme les ouragans.
Crédit-photo: Benjamin Richer