Le 1er septembre 2016, l’ex-quart-arrière afro-américain des 49ers de San Francisco, Colin Kaepernick, s’est agenouillé lors de l’hymne national américain. Ce faisant, il est allé à l’encontre de l’apolitisme défendu par les instances du sport professionnel.
Si Kaepernick, militant contre le racisme aux États-Unis, est aujourd’hui sans emploi et poursuit en justice la direction de la Ligue nationale de football, c’est bien la preuve que la relation entre la politique et le sport s’est altérée dans les dernières années. Aux yeux d’Enrico Ciccone, député libéral de la circonscription provinciale de Marquette et ancien joueur de hockey professionnel, les luttes sociales dans le sport récoltent une appréciation importante du public et des médias, tandis que les institutions sportives tentent de creuser un fossé entre ces deux domaines. «Ce n’est parce qu’[on] est athlète qu’[on] ne peut pas s’intéresser à la politique et au bien-être du Québec», ajoute-t-il.
Le Comité international olympique (CIO) et la Fédération internationale de football association (FIFA) ont donc implanté des mesures qui permettent aux dirigeants de sanctionner toute manifestation politique de la part d’un athlète, aussi minime soit-elle, sur les lieux de leur compétition respective.
«Les organisations sportives, culturelles et économiques n’aiment pas la controverse [...] ça les oblige à se positionner aussi», explique le journaliste sportif de La Presse Philippe Cantin. D’après lui, pour plaire à de nombreux commanditaires, les fédérations, ligues et équipes sportives préfèrent rester silencieuses vis-à-vis de tout ce qui ne touche pas directement leur sport. Dans ces circonstances, la prise de position de certains athlètes insoumis est encore plus remarquable.
Un symbole historique
Les grandes compétitions se voulaient, au départ, des événements de «promotion d’un esprit antinationaliste», révèle l’historien Alfred Wahl, dans son ouvrage Sport et politique, toute une histoire!. L’auteur explique qu’elles ont rapidement été utilisées, au cours de l’histoire, pour établir le prestige d’un pays et sa dominance envers les autres.
De ce fait, inutile de souligner le désenchantement des dirigeants politiques lorsque certains athlètes utilisent leur tribune pour dénoncer les actions de leur propre gouvernement. Philippe Cantin remarque d’ailleurs la popularité de cette pratique dans les années 1960, marquées par le refus de Mohammed Ali d’aller combattre au Vietnam et par les poings levés de John Carlos et Tommie Smith aux Jeux olympiques de Mexico, en 1968. Ces trois athlètes afro-américains étaient au cœur d’un puissant mouvement de lutte raciale qui a forgé le phénomène actuel, que «la présidence de [Donald] Trump, aux États-Unis, a exacerbé», mentionne M. Cantin.
Cinquante ans plus tard, la façon de punir les athlètes est la seule évolution perceptible. Carlos et Smith ont perdu leur tribune médiatique et ont été renvoyés aux États-Unis. Ali, après avoir passé cinq ans en prison, s’est vu retirer tous ses titres et n’a pas pu boxer pendant trois ans. Selon le journaliste sportif, la répression existerait encore de nos jours, «mais on y met des gants blancs. On envoie une lettre. On dit qu’on les admire, mais…».
Photo par Lila Maître