Une équipe européenne de chercheurs et chercheuses a réussi pour la première fois à faire dévier la foudre qui s’abattait sur la Säntis, une montagne suisse, à l’été 2021. Le côté innovateur de cette réussite ne fait pas l’unanimité dans la communauté scientifique.
Les physiciens et physiciennes du Laboratoire d’optique appliquée, en collaboration avec l’Université de Genève, l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne et l’entreprise TRUMPF, ont publié en janvier dernier les résultats de leur expérience en milieu naturel. Aurélien Houard, chercheur et auteur principal de l’expérience explique qu’« en laboratoire, on peut faire des décharges électriques, mais que ce n'est pas vraiment la foudre parce que son champ électrique est beaucoup plus grand que les décharges qu'on fait ».
« L’idée de faire dévier la foudre avec un laser existe depuis les années 1970 », ajoute-t-il. Bien que la théorie ait déjà été prouvée en laboratoire, l’expérience de l’été 2021 était la première réussie dans des conditions telles que la pluie et des vents forts, ce qui peut affecter les résultats de l’expérience.
Sceptique quant au réel avancement amené par le laser de l’équipe suisse, le Dr. Martin Umman, un chercheur en événements météorologiques de l’université de Floride, pense que ce qu’ils et elles ont réussi à faire ne prouve pas nécessairement la réussite du laser à long terme. « Les médias s’emballent un peu trop », conclue-t-il, « c’est quelque chose qu’on savait qui fonctionnait ».
L’utilité du projet
Au départ, le projet avait pour objectif de trouver un moyen de protéger les grands bâtiments souvent frappés par la foudre. Aurélien Houard se remémore que « les infrastructures auxquelles on a pensé en priorité sont les aéroports très larges. Ils ont un vrai problème lié à la foudre, [qui s’abat] sur les avions quand ils décollent ou quand ils atterrissent ».
Pourtant, les utilisations potentielles de cette technologie se veulent nombreuses. Les chercheurs et chercheuses pensent notamment à la production d’électricité propre et renouvelable dans des régions où l’accès à l’électricité est limité.
Québec a déjà financé des projets comme celui réalisé par l’équipe, mais les a rapidement écartés. D’après le chercheur, le projet « a été financé par Hydro-Québec en 1999, je crois, où ils ont été un des premiers à faire des tests comme ça, mais ils n'ont jamais été jusqu'au test de grandeur nature».
La technologie développée par l’équipe d’Aurélien Houard est un pas dans la bonne direction, mais ce sera encore long avant que les maisons soient alimentées par les éclairs. La force de la foudre est trop grande, et les moyens d’emmagasiner l’énergie ne sont pas encore assez puissants. Le Dr Martin Umman explique qu’« il faudrait développer des batteries beaucoup plus puissantes pour stocker l’énergie ».
Illustration: Marie Senécal