Chaque année depuis 2018, Ostritz, une petite ville de l’est de l’Allemagne, revêt des airs néonazis alors qu’elle accueille le controversé festival estival Schild und Schwert (Le bouclier et l’épée). Ce dernier réunit des centaines d’Allemands néonazis pour une fin de semaine de festivités.
La troisième édition qui devait se tenir au mois de juin prochain a été reportée en raison de la COVID-19. Le « festival politique » propose habituellement des concerts, une arène d’arts martiaux, une convention d’art du tatouage et des forums politiques.
L’organisateur, Thorsten Heise, se défend des attaques à son égard et affirme que l’objectif de l’évènement est simplement de « faire de bons évènements pour les personnes qui y sont intéressées [et qui partagent les mêmes idéaux politiques] », par le biais de la culture. L’affirmation de leur position politique est au cœur du festival, précise-t-il. Ce qui le différencie des autres, selon M. Heise, c’est qu’il a toujours un message à faire passer. Les musiciens de tous les styles musicaux sont d’ailleurs recrutés en fonction du message qu’ils véhiculent au moyen de leurs chansons, en soutien à celui du festival.
Coauteur du livre Les Droites extrêmes en Europe, Jean-Yves Camus, avance que le festival « s’inscrit dans un mouvement plus large et existant depuis les années 90 d’utilisation de la musique comme vecteur d’un message néonazi. [Il] permet de recruter des jeunes, en utilisant les codes du rock et du métal principalement, mais avec des paroles ouvertement racistes, négationnistes et antisémites ». Le chercheur français et spécialiste de l’extrême droite ajoute que l’évènement fait partie d’une « industrie générant des profits financiers assez conséquents par la vente de CD, de t-shirts et de toutes sortes d’accessoires ».
Le souci principal des autorités avec ce festival est que « des liens s’y établissent à grande échelle entre des activistes violents qui peuvent s’y rencontrer physiquement, au lieu de converser sur les réseaux sociaux », explique Jean-Yves Camus.
Montée de l'extrémisme de droite en Allemagne
Si l’évènement s’attire les foudres des locaux, il est également surveillé par le mouvement antifasciste allemand, qui est très réactif, ajoute M. Camus. Selon lui, l’objectif de ce mouvement est de lutter contre ces évènements et « d'accroître la masse d'informations qui permet de suivre les mouvements des militants, de repérer les figures montantes et de récolter de l'information » afin de suivre l’évolution du mouvement nazi en Allemagne.
Bien qu’il faille les distinguer, Jean-Yves Camus mentionne que le festival Schild und Schwert a des connexions évidentes et individuelles avec des partis conservateurs comme AfD (Alternative for Germany) ou le Parti national-démocrate d’Allemagne (NPD). L’organisateur du festival, Thorsten Heise, est lui-même membre du NPD. D’après l’auteur et chercheur français, la montée de l’extrémisme de droite en Allemagne a pris de l’ampleur en 2015 lors de la crise des réfugiés. Il nuance toutefois en ajoutant que les actes « xénophobes violents » se sont multipliés dès la réunification du pays en 1989.
Illustration par Édouard Desroches